« Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation… » voit-on souvent écrit dans les conclusions des avocats. « Votre affaire va faire jurisprudence ! », s’exclame un avocat, tandis qu’un autre critique : « Cette jurisprudence est complètement dépassée ! »
Ces expressions traduisent bien l’importance de la jurisprudence dans le système judiciaire français.
Mais qu’est-ce que ça veut dire ? à quoi ça sert ?
Décryptage…
Comprendre la jurisprudence
Définition et nature de la jurisprudence
La jurisprudence désigne l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux qui interprètent et appliquent la loi. Cela va donc des juges de première instance, comme le Juge aux affaires familiales (JAF), à la Cour de cassation, en passant par les Cours d’Appel.
Quand on étudie la jurisprudence, on regarde en fait des décisions de justice rendues sur un même sujet, comme par exemple sur les conditions d’allocation d’une prestation compensatoire, pour savoir comment les juges interprètent les critères listés par l’article 271 du Code civil.
La jurisprudence complète la loi, en particulier quand elle n’est pas claire ou incomplète. Souvent les textes de lois ne sont pas limpides et c’est donc aux juges qu’il revient de les appliquer en donnant leur interprétation. Parfois, l’interprétation est cohérente et va dans le même sens, mais pas toujours.
Historiquement, la jurisprudence faisait référence aux décisions des tribunaux supérieurs qui s’imposaient aux tribunaux inférieurs. Cela veut dire que la jurisprudence de la Cour de cassation a plus de force que celle rendue par un JAF.
En France, nous avons la très grande chance d’avoir accès aux décisions de justice en ligne, car la Cour de cassation a entrepris le travail de les anonymiser et les publier.
Caractère évolutif de la jurisprudence
La jurisprudence n’est pas statique. Elle évolue au gré des décisions successives rendues par les cours et tribunaux.
Parfois, un revirement de jurisprudence peut survenir. Ça veut dire quoi ? Que la Cour de cassation change l’interprétation qu’elle faisait jusqu’alors d’une règle de droit. Ces revirements permettent de s’adapter aux évolutions de la société et parfois aussi de faire évoluer la loi. C’est souvent après un arrêt retentissant de la Cour de cassation que le législateur modifie la loi.
On est donc très loin en France du système applicable dans les pays anglo-saxons. En common law, la règle du précédent (stare decisis) oblige les tribunaux à suivre les décisions antérieures, ce qui garantit une grande stabilité du droit, mais peut réduire sa capacité à évoluer rapidement. En France, la flexibilité de la jurisprudence permet une adaptation plus dynamique, bien que cela puisse parfois réduire la prévisibilité.
Utilisation pratique de la jurisprudence
Voyons comment utiliser la jurisprudence selon si c’est vous qui l’invoquez ou si c’est l’autre partie qui le fait.
Utilisation de la jurisprudence dans votre dossier
Les avocats se servent de la jurisprudence pour étayer leurs demandes et renforcer leurs arguments. En citant des décisions rendues dans des cas similaires, ils tentent de convaincre le juge que la solution appliquée précédemment devrait l’être également dans l’affaire en cours.
Donc, quand on peut trouver une décision qui va dans le sens de ce que l’on veut obtenir, c’est un vrai plus. Et plus c’est une décision d’une haute juridiction (Cour d’Appel ou encore mieux Cour de cassation), mieux c’est.
Ça donne tout de suite du crédit à vos arguments et ça rassure le juge puisque d’autres juges l’ont fait avant lui.
Petite précision : il ne sert à rien d’en rechercher des dizaines et des dizaines. Il vaut bien, une ou deux décisions choisies qui collent parfaitement avec votre cas et qui sont d’une Cour d’appel ou de la Cour de cassation.
Analyse critique de la jurisprudence opposée
Quand l’autre partie utilise une jurisprudence dans ses conclusions, il est essentiel de l’analyser minutieusement. Peut-être que vous trouverez des choses à redire pour critiquer la décision de justice qui est produite et donc affaiblir son argumentation.
Elle peut être critiquable parce que :
- la décision citée provient d’une juridiction de première instance et non d’une Cour d’appel ou de la Cour de cassation, ce qui permet de critiquer la force de la jurisprudence invoquée.
- il y a une différence importante entre votre cas et celui des personnes dans la décision invoquée, ce qui permet de critiquer la pertinence de la jurisprudence choisie.
Conclusion
La jurisprudence est un pilier du droit français qui est bien utile dans un dossier de droit de la famille.
N’hésitez pas à y avoir recours dans votre dossier !