L’adoption après une Kafala : un chemin semé d’obstacles, mais pas impossible

À première vue, la kafala et l’adoption semblent incompatibles, reposant sur deux philosophies juridiques distinctes. La kafala, enracinée dans le droit musulman, ne crée pas de lien de filiation entre l’enfant et la famille d’accueil, à l’opposé de l’adoption reconnue en France, qui établit un tel lien.

Face à cette apparente contradiction, comment est-il donc possible de concilier ces deux approches ?

Explorons ensemble ce parcours complexe, ses défis et les solutions possibles pour naviguer entre ces deux mondes.

Qu’est-ce que la kafala ?

La kafala est une institution de droit musulman qui permet le recueil légal d’un enfant par une personne ou un couple, sans pour autant créer un lien de filiation juridique. En France, les enfants recueillis par kafala sont principalement d’origine marocaine ou algérienne.

Présentation de la kafala

Il faut savoir que la plupart des pays de droit musulman n’autorise pas l’adoption. Il existe toutefois un système de recueil des enfants qui s’appelle la kafala.

La kafala permet de confier un enfant durant sa minorité à une personne ou un couple dont l’un des conjoints au moins est de confession musulmane et que l’on appelle un kafil. Il devra s’occuper de l’enfant et assurer sa protection, son éducation et son entretien.

Ce système de recueil concerne les enfants abandonnés ou délaissés, mais aussi des enfants dont les parents ne peuvent pas matériellement ou moralement les élever. La kafala a pour but de protéger des enfants mineurs et cesse donc à la majorité des enfants.

La kafala peut être établie de manière notariale, judiciaire ou adoulaire (acte rendu par un adoul : profession libérale au Maroc qui s’apparente à celle d’un notaire). Elle est généralement prononcée par un juge ou un notaire qui s’assure que la mesure est dans l’intérêt de l’enfant.

Distinction entre kafala et adoption

Contrairement à l’adoption, la Kafala ne confère pas à l’enfant le statut de membre permanent de la famille d’accueil, car elle ne crée pas de lien de filiation.

Selon les pays, les conséquences liées au recueil ne sont pas tout à fait les mêmes, notamment sur le nom ou les droits successoraux.

Mais si l’on devait faire un parallèle avec le droit français, la kafala s’apparenterait à une tutelle (pour un enfant abandonné sans filiation connue) ou d’une délégation d’autorité parentale (pour un enfant qui a au moins un lien de filiation établi).

La kafala est souvent choisie par des parents comme une alternative à une adoption internationale, soit pour ses modalités d’accès plus souples, soit parce que l’enfant qu’ils souhaitent recueillir est d’un pays où seule la kafala est possible.

La procédure d’adoption en France : la création d’un lien de filiation

Brève présentation de l’adoption

En France, l’adoption tend à créer une filiation pour un enfant et ainsi consacrer juridiquement les liens du cœur.

Elle peut prendre deux formes :

  • L’adoption plénière : elle remplace la filiation d’origine par une nouvelle filiation ou elle prend la place d’une filiation vacante quand un enfant n’a pas de filiation établie. L’adopté devient légalement l’enfant de l’adoptant, avec tous les droits et devoirs que cela implique.
  • L’adoption simple : elle permet à l’adopté de conserver des liens avec sa famille biologique, tout en créant un nouveau lien de filiation.

La problématique de l’adoption d’un enfant étranger

L’article 370-3 du Code civil énonce que l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi nationale prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France.

Cela veut dire que si le pays de l’enfant que l’on veut adopter interdit l’adoption (on regarde donc la nationalité de l’enfant), on ne peut pas l’adopter en France. La seule porte de sortie est s’il est né en France et qu’il y réside.

Kafala et adoption : l’impossible équation

Donc a priori, les enfants recueillis par kafala ne remplissent pas les conditions pour être adoptés en France puisqu’ils sont originaires de pays qui prohibent l’adoption.

De la kafala à l’adoption : mode d’emploi

L’interdiction d’adopter cesse à partir du moment où l’enfant recueilli par kafala obtient la nationalité française. Voyons le processus.

L’obtention de la nationalité française

L’enfant recueilli par kafala peut obtenir la nationalité française au bout de 3 ans s’il est recueilli par une personne ayant la nationalité française (article 21-12 du Code civil) et qu’il y a une décision de justice. La kafala judiciaire est donc absolument à privilégier.

Une fois que l’enfant à la nationalité française, il devient alors adoptable en France. Mais il y a encore une étape avant de pouvoir lancer la procédure d’adoption.

La constitution d’un conseil de famille

Une fois la nationalité française obtenue, la prochaine étape est la constitution d’un conseil de famille qu’il faut demander au juge des tutelles. Ce conseil de famille, une fois formé, doit donner son consentement à l’adoption de l’enfant recueilli par kafala par la ou les personnes qui l’ont recueilli. En effet, les kafils ne sont pas les parents de l’enfant et ne peuvent pas seuls consentir à l’adoption de l’enfant par eux-mêmes (article 344 du Code civil).

La demande d’adoption

L’étape finale est la demande formelle d’adoption lors de laquelle le juge examinera le dossier pour s’assurer que toutes les conditions légales sont remplies et que l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Il faut s’armer de patience quand on se lance dans un tel processus, car chaque étape est longue et les formalités administratives sont importantes. Mais si toutes les étapes sont faites correctement une à une, il n’y a aucune raison de ne pas y arriver. Les juridictions sont de plus en plus habituées à voir de tels parcours et les adoptions qui viennent après une kafala sont accordées si les conditions de l’adoption sont remplies, bien entendu.

À l’évidence, pour mettre toutes ses chances de votre côté, il faut consulter un avocat en droit de la famille qui saura non seulement vous aiguiller dans ce parcours long et fastidieux, mais aussi vous soutenir et vous accompagner.

Les conseils de Nolwenn News :

En conclusion, bien que le chemin de l’adoption après une kafala soit jonché d’obstacles, une planification méticuleuse et une compréhension approfondie des lois en vigueur peuvent mener à un heureux dénouement. Les défis sont réels, mais avec le bon accompagnement et la persévérance, les familles peuvent naviguer avec succès dans ce processus complexe. Si vous envisagez cette voie, il est fortement recommandé de consulter un avocat en droit de la famille qui pourra vous guider à chaque étape. Pour plus d’informations et de ressources, n’hésitez pas à explorer davantage notre site ou à contacter des professionnels compétents.

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