Pension alimentaire, prise en charge directe, frais exceptionnels, contribution aux frais d’entretien et d’éducation (appelée cfee par les juristes), qu’est-ce que c’est que tout ça ? Est-ce la même chose?
Comprendre les devoirs financiers des parents envers les enfants après une séparation ou un divorce est essentiel pour trouver la meilleure solution pour vous et vos enfants pour couvrir leurs besoins et leur budget.
Bien des confusions sont faites et il s’agit ici de les expliciter.
Focus sur le cadre juridique
L’article qui résume le mieux les choses est l’article 371-2 du code civil qui dit :
« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l’enfant est majeur. »
Ce qu’il faut en retenir :
- L’obligation alimentaire tient au fait d’être parent et incombe donc aux deux parents.
- La contribution de chaque parent est déterminée en fonction de différents facteurs : les besoins de l’enfant (son budget) et les revenus des deux parents.
- L’obligation des parents de contribuer pour leur enfant ne cesse pas quand celui-ci est majeur, ni s’ils perdent leur autorité parentale.
L’article du code civil dit que chaque parent doit contribuer, c’est pour ça que l’on parle de contribution aux frais d’entretien et d’éducation d’un enfant.
Les deux parents doivent contribuer : détail des possibilités
Quand les parents habitent ensemble, les frais des enfants sont compris dans les charges de la famille et sont répartis entre les parents selon les règles légales s’ils sont mariés (à proportion de leurs facultés respectives, article 214 du Code civil) ou selon leur accord dans les autres cas (concubinage et Pacs).
Le vrai sujet est quand les parents se séparent. Il va y avoir deux domiciles, des charges pour ces deux logements, les revenus de chacun des parents pour faire face à ces frais et les enfants au milieu. Les modalités d’organisation de la vie des enfants est donc cruciale. Les choses seront différentes si les enfants habitent à titre principal avec l’un de leurs parents et voient leur autre parent un week-end sur deux ou si les enfants sont en résidence alternée une semaine sur deux.
Donc selon l’organisation choisie ou fixée pour les enfants, la participation des parents prendra différentes formes :
- Quand les enfants sont avec leurs parents durant une période d’hébergement : les parents paient les frais en direct en faisant les courses, en payant les loisirs, les vêtements, etc. C’est la contribution directe ou prise en charge directe.
- Le parent qui n’a pas les enfants au quotidien paie sa participation aux frais quotidiens de l’enfant en versant ce que l’on appelle une pension alimentaire.
- Et puis il y les frais hors quotidiens : école, cantine, centre de loisirs, activités extrascolaires, frais de santé non remboursés, etc. Ceux-là, ils peuvent être soient inclus dans la pension alimentaire, soit être traités à part et réglés par les parents selon un ratio à définir (moitié, totalité, prorata des revenus). Pourquoi ? parce qu’ils peuvent varier d’année en année : parce qu’un enfant change d’activités extra-scolaires souvent ou parce que les frais d’école changent, ou parce qu’ils ne sont pas prévisibles comme les frais de santé non remboursés, etc.
L’idée est de faire simple et de coller à la réalité de vie de chaque famille.
Généralement, voici ce que l’on voit selon les modalités d’organisation de vie des enfants :
- Si la résidence des enfants est fixée au domicile de l’un et que l’autre parent a un droit de visite et d’hébergement :
Option 1 : une pension alimentaire versée par le parent chez qui l’enfant n’habite pas et qui couvre sa participation aux frais quotidiens et hors quotidien ;
Option 2 : une pension alimentaire pour couvrir les frais quotidiens et une prise en charge des frais hors quotidien selon un ratio à définir, par exemple au prorata des revenus ;
- S’il y a une résidence alternée :
Option 1 : chaque parent paie les frais du quotidien des enfants durant le temps où il a les enfants et les frais hors quotidien sont pris en charge selon un ratio à définir ;
Option 2 : versement d’une pension alimentaire au profit du parent qui a moins de revenus par celui qui a plus de revenus pour couvrir les frais du quotidien et prise en charge des frais hors quotidien selon un ratio à définir, par exemple au prorata des revenus ;
Il y a bien d’autres possibilités que vous pouvez créer. Il faut aussi savoir que la contribution peut prendre une autre forme : celle d’un droit d’usage et d’habitation, c’est-à-dire quand on met à disposition un logement.
Quatre choses importantes :
1- Ce n’est pas parce qu’il y a une résidence alternée qu’il n’y a pas de pension alimentaire. Cela est seulement vrai si les enfants sont en résidence alternée égalitaire et si les revenus ont les mêmes revenus.
2- La pension alimentaire versée par l’autre parent n’a pas vocation à payer ses propres charges mais seulement à couvrir une partie du budget des enfants.
3- Une pension alimentaire ne couvre pas la totalité du budget des enfants sauf si le parent qui la reçoit n’a aucun revenu car les deux parents doivent contribuer.
4- Moins souvent on voit ses enfants, plus le montant de la pension sera élevé puisqu’on paie moins de choses en direct et que c’est l’autre parent qui paie les frais.
Donc pour résumer et expliciter une confusion : une pension alimentaire n’est qu’une manière de contribuer aux frais de ses enfants.
Fixation de la contribution : on fait comment ?
La participation de chacun des parents doit être fixée en fonction :
- Des besoins de l’enfant : il faut donc commencer par faire un budget des frais des enfants et seulement des leurs (voir pour exemple le tableau ci-dessous):
- Des revenus de chacun des parents et de leurs charges fixes, notamment de logement, pour savoir dans quelle proportion ils vont pouvoir chacun contribuer. Dans un cadre amiable, les parents s’échangent les informations, soit en direct, soit par leurs avocats. Dans un cadre judiciaire, le juge leur demandera ces éléments. Ils sont d’ailleurs généralement inscrits sur la lettre de convocation à l’audience. Si les parents ont des avocats, les avocats se communiqueront les documents.
- Des modalités de résidence choisies pour les enfants : pour pouvoir savoir s’il faut fixer une pension alimentaire, une prise en charge directe des frais ou un prorata, etc.
Les règles de base :
- Le parent qui a le plus de revenus, contribue plus que l’autre parent aux frais des enfants ;
- Les enfants doivent être le plus possible épargnés par la séparation de leurs parents et les parents doivent faire en sorte de couvrir leur budget en dépit de la séparation. Cela doit être une priorité.
- On ne tient compte dans les charges des parents que des charges fixes (essentiellement logement, impôt) puisque les autres peuvent être revues à la baisse, notamment celles de loisirs, confort, etc.
- Normalement les juges ne tiennent pas compte des revenus du nouveau conjoint ou partenaire d’un des parents en tant que tels car il ou elle n’a pas à payer pour un enfant qui n’est pas le sien. En revanche, ils en tiennent compte dans le partage des charges fixes.
Est-ce qu’il y a un barème ?
Non, il n’y a pas de barème pour fixer la contribution qui permettrait d’obtenir « le chiffre magique ». Il existe une table de référence qui n’a pas de valeur légale car il est interdit au Juge aux affaires familiales de se fonder dessus. Aujourd’hui vous pouvez trouver cette table reprise en un simulateur.
Cela permet d’avoir un ordre de grandeur, mais il faut l’utiliser avec précaution car :
- Toutes les modalités relatives aux enfants ne sont pas envisagées.
- Au-dessus- d’un certain seuil de revenu, les résultats ne sont plus pertinents.
Jusqu’à quand : l’expérience Tanguy
Comme le dit le code civil, l’obligation alimentaire des parents envers leurs enfants ne cesse pas à leur majorité mais tant qu’ils ne sont pas indépendants financièrement. Généralement, c’est le cas quand ils poursuivent des études. Cependant les juges font une appréciation au cas par cas pour limiter les abus, en prenant en compte l’âge des enfants et leur assiduité ou non assiduité dans les études.
Quand l’enfant n’habite plus avec l’un de ses parents, la contribution de ses parents peut lui être versée directement.
Qui décide ou fixe la contribution : ça se passe comment ?
Comme pour toutes les questions relatives à la famille, il y a deux options : soit la voie amiable, soit la voie judiciaire.
Si vous arrivez à vous mettre d’accord, vous pourrez soit faire acter votre accord par un juge, soit le faire rédiger par des avocats qui feront une convention parentale qui sera homologuée par le juge. (voir infographie) Vous pouvez aussi saisir le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales pour donner force exécutoire à votre accord (article L582-2 du Code de la sécurité sociale) si vous en remplissez les conditions.
Si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord, il faudra saisir le juge aux affaires familiales qui décidera pour vous en ayant entendu les arguments de chaque parent. (voir infographie). L’avocat n’est pas obligatoire pour cette procédure. C’est à vous de voir ce qui est le plus confortable pour vous et si les enjeux le nécessitent. Sachez qu’à défaut de prendre un avocat pour vous assister durant la procédure, vous pouvez aller en consulter un qui vous aidera à préparer correctement votre dossier. Vous pouvez aussi vous débrouiller seul et remplir ce formulaire.
Petite précision : il est rare que seule la question de la contribution soit abordée. Elle est souvent liée aux modalités de résidence des enfants. Il faut savoir que si un parent saisit le Juge aux affaires familiales sur la seule question de la contribution, l’autre parent pourra dans le cadre de sa défense aborder tous les autres sujets relatifs aux enfants et notamment remettre en cause les modalités de résidence.
Comment cette contribution est-elle payée : les modalités de paiement et d’exécution
La contribution qui prend la forme d’une pension alimentaire peut être réglée par tout moyen, le mieux étant un virement bancaire qui garantit de la régularité et une traçabilité. Les paiements par chèque sont souvent une source de difficulté entre la remise parfois chaotique, les encaissements irréguliers (plusieurs d’un coup) et les chèques non provisionnés.
La pension est indexée pour tenir compte de l’évolution du coût de la vie. Quand il y a une convention parentale ou un jugement, la règle de calcul est détaillée.
Il arrive que la pension ne soit pas payée régulièrement ou dans les temps. Il faut savoir que le créancier (celui qui reçoit la pension) a des recours pour faire exécuter la décision qui prévoit la pension, mais il faut pour ça qu’il ait une convention parentale homologuée ou jugement. Le plus connu est le paiement direct qui permet de faire en sorte que ce soit l’employeur du débiteur( celui qui doit payer la pension) qui paie la pension en prélevant directement sur le salaire.
Attention, le fait de ne pas payer une pension alimentaire prévue par une décision de justice est un délit pénal.
Depuis quelques années, pour éviter toutes ces difficultés de paiement, il est possible de demander que le paiement de la pension se fasse par l’intermédiaire de l’organisme débiteur des prestations familiales. C’est ce que l’on appelle l’intermédiation des pensions alimentaires. Pour faire simple, c’est la CAF qui se charge de récupérer la pension et qui la paie au bénéficiaire.
Et fiscalement, comment ça se passe : déduction, imposition et quotient familial
Simplifions la question de la fiscalité des contributions. Bien entendu c’est un peu plus compliqué que ça. Mais voici les règles de base.
Le rattachement fiscal des enfants quand les parents sont séparés
Généralement les enfants sont rattachés au foyer fiscal du parent chez qui ils habitent. Il s’agit des enfants mineurs.
Donc quand ils habitent à titre principal chez l’un de leur parent, ce parent déclare les enfants et bénéficie des parts de quotient familial correspondantes.
Quand les enfants sont en résidence alternée, chacun des parents rattache les enfants à son foyer et le quotient familial des enfants est partagé entre les parents.
La déduction / imposition
Règle de base : celui qui verse déduit, celui qui reçoit est imposé.
Il y a toutefois une subtilité :
- Quand les enfants résident à titre principal chez l’un de leurs parents : les enfants sont normalement rattachés au foyer fiscal du parent chez qui ils habitent. Si ce parent perçoit une pension alimentaire il devra la déclarer dans ses revenus (mais il bénéfice des parts de quotient familial des enfants qui viennent atténuer l’imposition). Le parent qui la verse pourra la déduire de ses revenus.
- Quand les enfants sont en résidence alternée : chacun des parents bénéficie du rattachement fiscal des enfants par moitié : les pensions ne sont alors pas déductibles, ni imposables.
Quid des enfants majeurs ?
Les enfants majeurs peuvent demander à être rattachés au foyer fiscal de l’un de leurs parents, jusqu’à 21 ou 25 ans selon si l’enfant poursuit ou non des études. A défaut, ils doivent faire leur propre déclaration d’impôt.
Dans le cas où l’enfant est rattaché à l’un de ses parents, le parent doit aussi déclarer les revenus de l’enfant s’il en perçoit.
Pour ce qui est de la déduction de la pension versée à un enfant majeur, son montant est plafonné, contrairement à celle versée à un enfant mineur (en 2024, le montant est de 6 674 euros).
Révision et ajustement : est-ce possible ?
La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants est révisable s’il y a un élément nouveau qui vient remettre en cause les bases qui ont servi à sa fixation : les besoins de l’enfant augmentent, les revenus de l’un des parents ont diminué ou augmenté, etc.
Soit, les parents parviennent à se mettre d’accord et ils peuvent faire acter leur nouvel accord par un juge ou dans une nouvelle convention parentale.
Soit, ils ne sont pas d’accord et c’est le juge qui décidera des nouvelles modalités en fonction des éléments qui lui seront soumis.
Il faut donc faire une comparaison entre les paramètres qui ont servi initialement pour fixer la contribution et ceux actuels qui justifient une remise en cause.
Quant à la suppression, si les parents sont d’accord, il n’y a aucune difficulté. Il en est autrement quand l’un estime qu’il ne doit plus verser et que l’autre n’est pas de cet avis. Dans ce cas, c’est une nouvelle fois le juge qui décidera.
Conclusion
En conclusion, la contribution aux frais d’entretien et d’éducation des enfants est une responsabilité partagée par les deux parents, indépendamment de leur relation personnelle ou de leur statut matrimonial.
Peu importe sa forme, le but est de garantir que les besoins des enfants soient toujours couverts de manière équitable.