Les obligations intergénérationnelles à travers le prisme de "Tanguy”

Quand la fiction rencontre la réalité : les obligations intergénérationnelles à travers le prisme de « Tanguy”

À travers le film « Tanguy », cet article explore les obligations intergénérationnelles, mettant en lumière les défis juridiques et socio-économiques liés à l’hébergement des enfants adultes chez leurs parents.

Dans le panorama cinématographique français, le film « Tanguy » d’Étienne Chatiliez a mis en lumière un véritable phénomène de société. Il dépeint avec humour la situation d’un adulte qui, malgré son âge, choisit de vivre aux crochets de ses parents et ne veut pas quitter le nid. Il pousse ses parents à bout et ceux-ci sont prêts à tout pour l’amener à prendre son envol. Ce scénario sert de toile de fond à une question juridique sérieuse : quelles sont les obligations légales intergénérationnelles ? D’autant que, si vous vous en souvenez bien, la grand-mère s’en mêle et demande, elle aussi, à être prise en charge comme son petit-fils…

La génération Tanguy et la génération Boomerang : un phénomène sociétal

Entre retour nécessaire et autonomie différée

La génération “Tanguy », rendue célèbre par le film éponyme, se caractérise par des jeunes adultes qui prolongent leur séjour chez leurs parents bien après la majorité. Ce phénomène, souvent perçu comme une commodité, est de plus en plus une nécessité en raison de difficultés économiques croissantes et d’un marché du logement qui est difficilement accessible. Selon la Fondation Abbé Pierre, 4,5 millions de majeurs résident encore chez leurs parents ou grands-parents en France. Parmi eux, 1,3 million ont plus de 25 ans et près d’un million sont revenus chez leurs parents après une période d’indépendance, souvent faute de solution alternative.

La génération Boomerang : entre choix et contraintes

La génération “Boomerang » comprend ces jeunes ou moins jeunes qui, après avoir quitté le domicile familial pour vivre de manière autonome, se voient contraints d’y revenir, généralement pour des raisons économiques. Cette situation peut être particulièrement stressante et est souvent perçue comme un échec personnel, bien qu’elle soit de plus en plus courante.

Statistiques et réalités socio-économiques

L’étude de la Fondation Abbé Pierre révèle que le nombre de jeunes hébergés chez leurs parents de manière contrainte a augmenté de 20 % entre 2002 et 2013, soulignant l’aggravation des conditions de vie pour cette tranche d’âge. Ces jeunes hébergés sont souvent des travailleurs avec des contrats temporaires ou à temps partiel, qui ne leur permettent pas d’accéder facilement à un logement autonome.

Implications légales et familiales

Ces dynamiques intergénérationnelles soulèvent des questions importantes sur l’obligation des parents envers leurs enfants majeurs. L’article 203 du Code civil prévoit une obligation de soutien qui ne se limite pas à la minorité, tandis que l’article 205 rappelle que les enfants peuvent également être amenés à soutenir leurs parents en difficulté.

Les obligations intergénérationnelles en droit Français

Les devoirs des parents : au-delà de la majorité

Contrairement à ce que vous pensez peut-être, l’obligation d’entretien des parents envers leurs enfants ne cesse pas automatiquement lorsque ces derniers atteignent la majorité (article 371-2 du Code civil). Cette responsabilité persiste tant que l’enfant n’est pas pleinement capable de subvenir à ses propres besoins. Les parents doivent ainsi couvrir les besoins matériels essentiels de leur enfant (nourriture, vêtements, chauffage, logement, soins médicaux) mais aussi ses besoins d’ordre moraux et intellectuels (frais d’études notamment). L’obligation d’entretien a pour but de donner à l’enfant une autonomie professionnelle qui lui permette de s’assumer financièrement.

La condition de poursuites d’études supérieures n’est pas prévue par la loi, mais par les juges qui regardent si l’enfant poursuit sérieusement ses études et est assidu. L’obligation des parents implique que le jeune n’ait pas de revenus propres lui permettant de couvrir ses besoins. Les juges regardent aussi si le jeune ne s’est pas mis volontairement dans une situation d’impécuniosité.

Et comme le dit le juge dans le film Tanguy, l’obligation des parents est pécuniaire : ils n’ont pas l’obligation d’héberger leur enfant majeur. S’ils le font, c’est de leur propre choix.

Une fois les études terminées, en cas de chômage par exemple, c’est l’obligation alimentaire des articles 203 et 208 du Code civil qui prend le relais. Mais attention, l’obligation alimentaire prévue par ces articles couvrent moins de chose que l’obligation d’entretien : elle couvre les seuls besoins essentiels.

La responsabilité des enfants : soutien en temps de besoin (article 205 du Code civil)

L’article 205 du Code civil prévoit que les enfants ont des devoirs envers leurs parents et autres ascendants qui se trouvent dans le besoin. Cette obligation est réciproque (article 207 du Code civil) si bien qu’elle joue dans tous les sens : enfants envers leurs parents et réciproquement, petits-enfants envers leurs grands-parents et réciproquement, etc.

Sachez que les gendres et belles-filles doivent aussi des aliments à leur beau-père et belle-mère (article 206 du Code civil).

C’est pour cela que l’on parle d’obligations intergénérationnelles.

L’obligation des enfants et petits-enfants envers leurs ascendants leur impose de leur procurer des moyens de subsistance dès lors que ceux-ci sont dans le besoin, ce qui est notamment le cas lors de l’entrée dans un établissement médical à la suite d’une perte d’autonomie liée l’âge ou à la maladie. Ils peuvent alors être amenés à verser une pension alimentaire ou participer aux frais de l’établissement de santé.

Le principe est que celui qui demande ce que l’on appelle “des aliments” doit prouver qu’il se trouve dans un état de nécessité et de besoin. Le montant de l’obligation est alors fixé en fonction de ses besoins et des ressources du débiteur, c’est-à-dire de celui qui doit payer (article 208 du Code civil).

Il faut savoir qu’un enfant peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation envers ses parents si ceux-ci ont manqué gravement à leurs obligations envers lui (article 207 du Code civil). Des juges l’ont fait dans des cas où une mère avait abandonné ses enfants, à la fois matériellement et moralement, ou dans le cas d’un père qui n’avait jamais réglé la pension alimentaire qu’il devait, jamais exercé son droit de visite et d’hébergement ni même jamais pris de nouvelles de sa fille… Cela fonctionne aussi pour les actes les plus graves de violence et abus, bien évidemment.

Le cas de « Tanguy » : réalité juridique vs fiction cinématographique

Le film illustre de manière humoristique, mais percutante la dépendance prolongée de Tanguy envers ses parents.

Dans le film, c’est Tanguy qui saisit le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 203 du Code civil et qui obtient gain de cause. Enfin, dans la fiction, Tanguy retourne vivre chez ses parents… Pourtant, et à juste titre, comme le dit le Juge à son père, ils n’ont pas l’obligation de le loger.

Cas du procès “Tanguy” aux États-Unis

Il en est différemment aux États-Unis. La fiction est devenue réalité en 2018, car dans l’État de New York, les parents d’un jeune homme de 30 ans ont saisi la justice pour le forcer à quitter le domicile familial. Michael Rotondo a été légalement contraint par ses parents et par un juge à quitter leur domicile après avoir refusé de partir de son propre chef.

Conclusion

La solidarité familiale, enracinée dans le droit français, revêt des dimensions à la fois pratiques et émotionnelles, rappelant les scènes du film « Tanguy » où les obligations intergénérationnelles sont abordées avec humour, cynisme, mais aussi sérieux.

L’idée du film a, a priori, été tirée d’une histoire vraie. À l’évidence, la vraie vie et surtout les histoires de famille sont une source inépuisable d’inspiration pour les réalisateurs…

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