La loi sur l’ordonnance de protection n° 2024-536 du 13 juin 2024, représente une avancée significative dans la lutte contre les violences intrafamiliales en France. Elle introduit des mesures innovantes telles que l’ordonnance provisoire de protection immédiate, destinée à combler les lacunes identifiées après plusieurs années d’application de l’ordonnance de protection.
Cette nouvelle loi vise non seulement à accélérer la protection des victimes mais aussi à élargir le panel de mesures disponibles et à renforcer les sanctions contre les auteurs de violences conjugales.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 juin 2024, marquant ainsi un tournant décisif pour une réponse plus rapide et plus efficace face aux situations de danger immédiat.
Voyons cela de plus près.
Ordonnance provisoire de protection immédiate : une réponse urgente aux violences conjugales
Dans un contexte où chaque minute compte, la loi du 13 juin 2024 instaure l’ordonnance provisoire de protection immédiate, offrant ainsi une solution légale rapide aux victimes de violences conjugales.
Cette ordonnance est rendue par le Juge aux affaires familiales (JAF) dans le délai de 24 heures suivant la demande faite par le ministère public en accord avec la victime (article 515-13-1 du Code civil).
Cette procédure d’urgence est liée à une demande d’ordonnance de protection. Elle ne peut pas être mise en œuvre seule. Elle a pour objectif de mettre en place une protection immédiate durant le laps de temps qui existe entre la demande d’ordonnance de protection et la décision qui est de maximum 6 jours.
Le JAF est habilité à délivrer cette ordonnance sur la base des seuls éléments joints la requête. Il faut prouver un danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés. Cette ordonnance peut aussi être mise en place en cas de menace de mariage forcé (article 515-13 du Code civil).
Points clés sur l’ordonnance provisoire de protection immédiate:
- Réactivité accrue : L’ordonnance provisoire de protection immédiate peut être délivrée en urgence, dans un délai de 24 heures, permettant une intervention rapide en cas de menace grave et immédiate.
- Mesures de protection urgentes : Le juge peut ordonner différentes mesures telles que l’interdiction de contact entre l’agresseur et la victime, des restrictions de mouvement pour l’agresseur, la confiscation d’armes si nécessaire ou encore une interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée en cas de risque de mariage forcé (article 515-13-1 alinéa 3 et 515-13 II du Code civil). Ces mesures restent en vigueur jusqu’à ce que la décision définitive sur l’ordonnance de protection standard soit prise, assurant ainsi une continuité de la protection.
- Extension de la téléprotection : La loi étend également le dispositif de téléprotection, souvent appelé “téléphone grand danger” à l’ordonnance de protection immédiate. Ce système permet à la victime de contacter les forces de l’ordre instantanément en cas de menace, renforçant ainsi sa sécurité personnelle. La durée du dispositif, en principe de 6 mois renouvelables, peut être réduite par le procureur de la République si l’ordonnance provisoire n’est pas suivie d’une ordonnance de protection (article 41-3-1 du Code de procédure pénale).
Protection accrue dans le cadre de l’ordonnance de protection
La réforme législative du 13 juin 2024 marque un renforcement significatif des prérogatives du juge aux affaires familiales, visant à offrir une protection plus étendue et plus flexible aux victimes de violences intrafamiliales. Cette évolution répond à un besoin de réactivité et d’adaptabilité face aux diverses manifestations de violence.
Nouvelles dispositions majeures pour la protection des victimes:
- Les violences peuvent concerner la victime “ou” les enfants: une ordonnance de protection peut être délivrée en cas de violences mettant en danger la personne qui en est victime « ou » un ou plusieurs enfants (C. civ. article 515-9 du Code civil). Désormais, le JAF peut être saisi si seul un ou les enfants sont en danger sans que l’autre parent le soit également.
- La cohabitation n’est plus une condition : La nécessité de cohabitation, auparavant un critère essentiel pour l’application de l’ordonnance de protection, a été supprimée. Cette modification (article 515-9 du Code civil) permet désormais de protéger la victime indépendamment du fait qu’elle ait cohabité ou non avec l’agresseur.
- Une évaluation basée sur la vraisemblance des faits allégués : Le juge peut désormais prendre des mesures préventives sur la base de “raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence” (article 515-11 du Code civil). Cette approche moins rigide permet une intervention plus rapide et adaptée.
- Une protection étendue aux animaux de compagnie : Reconnaissant le rôle émotionnel significatif des animaux de compagnie, la loi permet au juge d’attribuer à la victime de violence la garde de l’animal de compagnie du foyer (article 515-11, 3° bis du Code civil).
Extension et confidentialité : renforcement des dispositions de protection juridique
La loi du 13 juin 2024 apporte aussi des améliorations notables dans les mesures de protection juridique offertes aux victimes de violences intrafamiliales, en se concentrant sur l’extension de la durée des protections et le renforcement de la confidentialité des victimes. Ces ajustements sont essentiels pour assurer une protection efficace et discrète qui répond aux besoins immédiats des victimes.
Nouvelles dispositions importantes :
- Protection renforcée de l’adresse des victimes : Pour mieux protéger les victimes de toute tentative de localisation par l’agresseur, la loi permet désormais de dissimuler son adresse sur les listes électorales (Article L 37 du Code électoral). Cette mesure (article 515-11 du Code civil) vise à renforcer l’effectivité de l’autorisation de la victime de dissimuler son domicile ou sa résidence.
- Allongement de la durée des ordonnances de protection : La durée maximale des mesures édictées par l’ordonnance de protection a été étendue de six à douze mois (article 515-12 du Code civil). Ce délai peut être prolongé si une demande en divorce, séparation de corps ou relative à l’exercice de l’autorité parentale est déposée devant le JAF. Cette extension permet donc aux victimes qui ne sont pas mariées ou qui n’ont pas d’enfant, de bénéficier d’un temps plus long qu’auparavant pour organiser leur séparation.
Durcissement des sanctions pénales pour les auteurs de violences intrafamiliales
La loi du 13 juin 2024 fait un pas en avant dans la rigueur judiciaire contre les auteurs de violences intrafamiliales, en imposant des sanctions plus sévères.
Cette mesure vise à renforcer l’efficacité des ordonnances de protection en assurant que leur non-respect entraîne des conséquences juridiques significatives.
Améliorations apportées aux sanctions pénales
Les peines pour non-respect des ordonnances de protection ont été considérablement augmentées.
Désormais, une violation peut entraîner jusqu’à trois ans d’emprisonnement et une amende allant jusqu’à 45 000 €, contre deux ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende auparavant (article 227-4-2 du Code pénal).
Cette augmentation substantielle des sanctions vise à dissuader les comportements abusifs et à garantir le respect des ordonnances rendues.
Conclusion
La loi du 13 juin 2024 se voit comme une avancée majeure dans la protection des victimes de violences intrafamiliales. Par ses mesures proactives et ses sanctions renforcées, elle promet de transformer le paysage de la sécurité familiale en France.
A voir à l’usage, si elle tient toute ses promesses, notamment de vélocité.