Violences familiales : tout comprendre sur l'ordonnance de protection

Violences familiales : tout comprendre sur l’ordonnance de protection

Dans un contexte où les violences familiales restent une préoccupation majeure dans notre société, l’ordonnance de protection se présente comme un outil juridique essentiel. Elle offre aux victimes un moyen efficace de se protéger contre les violences au sein de la cellule familiale.

Cette fiche pratique vous guide à travers tout ce qu’il faut savoir sur l’ordonnance de protection, de sa procédure d’obtention aux différentes mesures qu’elle implique.

Que vous soyez directement concerné ou simplement à la recherche d’informations, cette fiche vous fournira les clés pour comprendre et activer cette protection contre les violences.

Qu’est-ce qu’une ordonnance de protection ?

L’ordonnance de protection est une mesure judiciaire d’urgence conçue pour offrir une protection juridique contre les violences familiales. Elle est délivrée par le juge aux affaires familiales (JAF) et vise à protéger rapidement les personnes confrontées à des situations de danger immédiat.

Définition et objectifs

Ce dispositif légal, prévu par les articles 515-9 à 515-13-1 du Code civil, permet d’interposer une protection judiciaire entre la victime et l’agresseur.

Son objectif principal est d’assurer la sécurité immédiate de la victime en mettant en place des mesures restrictives contre l’auteur des violences.

Elle vise à prévenir toute nouvelle agression et à stabiliser la situation sécuritaire de la victime le temps de résoudre la situation de manière plus pérenne, notamment en mettant en œuvre la séparation (rupture du PACS, divorce, séparation de corps ou modalités autour des enfants).

Types de violences couvertes

L’ordonnance de protection est applicable dans les cas de :

  • Violences physiques : Ces actes incluent tout comportement qui inflige physiquement des dommages ou des douleurs à la victime.
  • Violences psychologiques : Elles comprennent les menaces, le harcèlement, les insultes et autres formes de pressions psychologiques qui perturbent la santé mentale de la victime.

Champ d’application de l’ordonnance de protection

L’ordonnance de protection a des critères spécifiques quant à son application.

Critères d’éligibilité

L’ordonnance de protection s’adresse aux victimes de violences au sein du couple ou de la famille. Pour être éligible, la victime doit démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission de violences et le danger pour sa personne ou celle de ses enfants (article 515-11 du Code civil). Ces deux conditions sont cumulatives.

Qui peut être protégé par une ordonnance de protection ?

  • Un adulte victime : Tout adulte subissant des violences de la part d’un conjoint, d’un partenaire lié par un PACS, ou d’un concubin peut demander une ordonnance de protection. Ce droit s’étend également aux ex-partenaires, reflétant la réalité des violences qui peuvent continuer après la fin d’une relation.
  • Un enfant victime: Tous les enfants issus ou non du couple sont protégés. Depuis le loi du 13 juin 2024, l’ordonnance de protection couvre l’hypothèse où seul un ou les enfants sont en danger sans que l’autre parent le soit également.

Application aux diverses formes de couples et familles

La loi reconnaît la diversité des structures familiales et relationnelles dans l’application de l’ordonnance de protection.

Que les individus soient mariés, pacsés, en concubinage ou séparés, l’ordonnance peut être sollicitée.

Elle couvre également les familles recomposées, assurant la protection des enfants indépendamment de leurs liens biologiques avec les membres du couple.

Focus sur l’ordonnance provisoire de protection immédiate

Avec l’évolution constante des dynamiques familiales et la reconnaissance croissante des besoins urgents de protection contre les violences, l’ordonnance provisoire de protection immédiate a été instaurée par la loi du 13 juin 2024. Cette mesure vise à offrir une réponse judiciaire encore plus rapide aux situations de danger imminent.

Nous avons écrit un article sur le sujet dans notre rubrique Actu. Allez le lire si vous voulez en savoir plus!

Contexte et objectifs

L’ordonnance provisoire de protection immédiate a été instaurée pour combler le besoin d’une intervention judiciaire accélérée dans les cas où les victimes de violences familiales sont en danger immédiat. Elle est rendue dans les 24 heures, soit avant l’ordonnance de protection qui, elle, doit l’être dans le délai maximum de 6 jours.

Conditions d’application

Pour qu’une ordonnance provisoire de protection immédiate soit délivrée, il doit y avoir des raisons sérieuses de croire à l’imminence d’un danger grave pour la victime ou les enfants concernés. Cette ordonnance peut aussi être mise en place en cas de menace de mariage forcé.

Cette ordonnance peut être émise à la demande du ministère public sur la seule base des éléments de preuve joints à la demande.

Elle est forcément liée à une demande d’ordonnance de protection et ne peut exister seule.

Procédure de demande d’une ordonnance de protection

La procédure pour obtenir une ordonnance de protection est conçue pour être rapide et accessible, permettant aux victimes de violences intrafamiliales d’obtenir une protection légale de manière efficace.

💡 A noter : L’aide juridictionnelle peut être accordée de manière provisoire à une victime de violences conjugales pour engager une procédure d’urgence.

Mais par la suite, il faudra justifier qu’elle remplit les conditions de revenus et de patrimoine exigées pour obtenir l’aide juridictionnelle. Si tel n’est pas le cas, elle devra rembourser l’aide juridictionnelle dont elle a bénéficié de manière provisoire.

Voici les étapes de l’ordonnance de protection:

1. Préparation de la demande

La victime doit saisir le JAF par requête. Elle peut le faire seule en remplissant le formulaire Cerfa n° 15458*05, ou se faire assister d’un avocat. Ce formulaire est assortie d’une notice qu’il est recommandé de lire.

La demande devra comporter un certain nombre d’éléments:

  • Informations personnelles : Identité de la victime et de l’agresseur, situation familiale, présence d’enfants, etc. Il convient de rappeler que la victime a la possibilité de ne pas communiquer son adresse à l’autre partie.
  • Détails des violences : Description des circonstances et des incidents.
  • Justificatifs : Communication de documents pouvant étayer la demande, comme le récépissé d’une plainte, des mains-courantes, des certificats médicaux ou des témoignages.
  • Détail des demandes: Il faut que la victime indique au JAF ce qu’elle demande pour sa protection, mais aussi pour les enfants s’il y en a, pour le logement et les modalités financières.

⚠ Deux précisions importantes:

  • Il est important de savoir qu’une plainte pénale préalable n’est pas requise pour entamer cette procédure (article 515-10 du Code civil).

2. Dépôt de la demande

Une fois la demande complétée, elle doit être déposée au greffe des affaires familiales du tribunal du judiciaire dans le ressort duquel se trouve la résidence de la famille ou celle des enfants mineurs (article 1070 du Code de procédure civile). Le Juge fixera sans délai une date d’audience dans le délai maximum de 6 jours (article 515-11 du Code civil et article 1136-3 du Code procédure civile).

3. Audience judiciaire

Après le dépôt de la demande, l’ordonnance fixant la date d’audience est signifiée dans le délai de 48 heures au défendeur (c’est-à-dire l’auteur des violences). Lors de cette audience :

  • La victime présente les faits et les preuves, seule ou avec l’assistance de son avocat.
  • Le défendeur a l’opportunité de répondre aux faits qui sont invoqués et aux demandes qui sont faites par la victime, seul ou assisté d’un avocat.

Le juge peut entendre les parties ensemble ou séparément.

4. Décision du juge

Le juge prend sa décision sur la base des éléments présentés lors de l’audience.

Il vérifiera deux choses:

1- qu’il y a bien des faits de violence,

2- et une situation de danger de la victime ou d’un ou plusieurs enfants

Ces deux éléments sont cumulatifs.

En revanche, il suffit que ces deux éléments paraissent vraisemblables. La preuve des violences n’a pas à être rapportée. Il faut seulement qu’il existe des raisons sérieuses de les considérer comme possibles.

Si l’ordonnance de protection est accordée, elle entre en vigueur immédiatement. Il est possible de faire appel dans le délai de 15 jours (article 1136-11 du Code de procédure civile).

Si elle n’est pas accordée, et s’il y a urgence, le Juge peut renvoyer l’affaire à une autre audience pour qu’il soit statué sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale et la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants.

5. Mise en œuvre

Dès l’octroi de l’ordonnance, les mesures sont immédiatement applicables. Le juge en fixe la durée. S’il ne le fait pas, elles prendront fin dans un délai de 12 mois (article 515-12 du Code civil). Ce délai peut être prolongé si une demande en divorce, en séparation de corps ou pour faire fixer les modalités relatives aux enfants est introduite.

Mesures de protection possibles dans une ordonnance de protection

Lorsqu’une ordonnance de protection est rendue, elle comprend un ensemble de mesures destinées à assurer la sécurité de la victime et à prévenir de nouvelles violences (article 515-11 du Code civil).

Voici les principales mesures que le juge peut ordonner dans ce cadre :

Éloignement et interdiction de rencontre

L’ex ou le conjoint violent peut se voir interdire de recevoir ou de rencontrer certaines personnes: la victime, son nouveau compagnon, la nounou, etc.

Dans ce cas, le juge peut lui interdire d’approcher la victime à moins d’une certaine distance et ordonner la mise en place d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que le conjoint violent ne respecte pas cette distance.

Il peut aussi lui interdire l’accès à certains lieux: le domicile, le lieu de travail ou tout autre lieu fréquenté par la victime.

Attribution de la résidence familiale

Sauf circonstances particulières, la victime se voir attribuer l’usage exclusif du domicile conjugal, même si l’agresseur en est le propriétaire ou le locataire principal. Cette disposition est particulièrement importante pour permettre à la victime et aux enfants de rester dans un environnement stable.

Le conjoint violent est expulsé et ne bénéficie pas des dispositions protectrices de la trêve hivernale (article L412-8 du Code des procédures civiles d’exécution).

Le juge décide à cette occasion qui doit régler les frais afférents au logement de la famille, mais aussi plus largement les modalités financières entre les époux ou partenaires pacsés. Les frais afférents au logement peuvent être mis à la charge du conjoint violent.

Le juge peut aussi attribuer à la victime la jouissance de l’animal de compagnie présent au domicile.

Fixation des modalités relatives aux enfants

Le juge va fixer les modalités relatives aux enfants, notamment leur résidence, l’éventuel droit de visite et d’hébergement et la contribution aux frais des enfants.

Il pourra notamment ordonner que l’exercice du droit de visite se fasse en lieu médiatisé, dans un espace rencontre.

⚠ Dans les cas les plus graves où les violences sont avérées, les droits du parent violent peuvent être extrêmement réduits ou suspendus. Voir notre article sur le sujet.

Protection de l’adresse de la victime

La victime peut demander à ce que son adresse soit occultée dans les dossiers et documents publics pour éviter que l’agresseur ne puisse la retrouver.

Interdiction de détenir ou porter une arme

Le juge peut interdire au conjoint violent de détenir ou porter une arme et il peut même ordonner qu’elles soient remises aux services de police et de gendarmerie.

Proposition de prise en charge pour l’auteur des violences

Le juge peur proposer au conjoint violent une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes. En cas de refus, le juge en avisera le ministère public.

Conséquences du non-respect de l’ordonnance de protection

En cas de non-respect de l’ordonnance de protection, des sanctions pénales sont prévues pour dissuader et punir les violations.

Sanctions Pénales

Selon l’article 227-4-2 du Code pénal, le non-respect d’une ordonnance de protection peut entraîner des sanctions pénales qui ont été alourdies par la loi du 13 juin 2024. Les peines peuvent aller jusqu’à trois ans de prison et entraîner une amende pouvant aller jusqu’à 45 000 euros.

Autres dispositifs au bénéfice des victimes de violences

Voici quelques uns des dispositifs au profit des victimes de violence:

L’aide d’urgence de la CAF

Cette aide permet à une victime de violences conjugales de bénéficier d’un soutien financier à moment où elle est vulnérable sur le plan économique.

Vous trouverez plus d’informations sur le site de la CAF.

Des modalités simplifiées pour rompre le bail d’habitation

Un locataire peut donner congé avec un préavis réduit à un mois (au lieu de trois mois) s’il bénéficie d’une ordonnance de protection (article 15, I de la loi 89-462 du 6-7-1989).

Et le locataire victime et sa caution (s’il y en a une) sont déliés de toute solidarité pour le paiement du loyer dès le lendemain de la notification du congé envoyé au bailleur (article 8-2 de la loi 89-462 du 6-7-1989).

La sécurisation du versement des pensions alimentaires

L’intermédiation des pensions alimentaires s’impose lorsque le parent qui doit verser la pension a fait l’objet d’une plainte ou d’une condamnation pour des faits de menaces ou de violences volontaires sur le parent qui est bénéficiaire de la pension ou l’enfant, ou lorsque de telles menaces ou violences sont mentionnées dans une décision de justice concernant le parent qui doit verser la pension (article 373-2-2 du Code civil).

La levée du secret médical

Les professionnels de santé qui ont connaissance de violences exercées au sein du couple, lorsqu’ils estiment que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences ne sont pas tenus au secret médical et peuvent faire un signalement (article 226-14 du Code pénal).

Pas d’injonction à suivre une médiation familiale

Le JAF ne peut pas enjoindre à des époux d’entreprendre une médiation familiale en cas de violences conjugales (article 255 2° du Code civil) ou à des parents dans le cadre de la fixation des modalités relatives aux enfants (article 373-2-10 du Code civil).

Conclusion

L’ordonnance de protection est un outil juridique essentiel en cas de violences familiales.

Dans ces moments particulièrement difficiles, il est évident que les victimes ont besoin d’aide, de soutien et d’accompagnement.

Elles peuvent se faire accompagner par une association spécialisée. Vous trouverez des informations ici.

En cas d’urgence, n’oubliez pas le numéro 3919 (Violence femme infos) et le 17 (police secours).

N’hésitez pas non plus à aller consulter un avocat en droit de la famille pour en savoir plus et surtout pour vous faire épauler et accompagner dans les méandres juridiques, quand bien même l’avocat n’est pas obligatoire.

Et enfin, n’hésitez pas à vous faire accompagner sur le plan psychologique. Il est important d’avoir un endroit où décharger le trop plein et avoir autour de soi des personnes ressources.

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