Comment gérer un divorce judiciaire avec un conjoint à l’étranger ?

Votre conjoint vit désormais à l’étranger et vous envisagez de divorcer ? Cette situation, déjà complexe émotionnellement, soulève de nombreuses questions pratiques et juridiques. Par où commencer ? Quel tribunal saisir ? Comment faire valoir vos droits ? 

Faire face à un divorce international peut sembler particulièrement intimidant. Entre les différences de législation, la distance géographique et les procédures spécifiques, vous vous sentez peut-être dépassé·e. Pourtant, avec les bonnes informations et un accompagnement adapté, cette procédure peut se dérouler de manière plus sereine que vous ne l’imaginez. Nolwenn News vous propose de découvrir les 5 règles essentielles pour réussir un divorce judiciaire avec un conjoint à l’étranger. 

Règle n°1 – Comprendre qui peut juger votre divorce et selon quelle loi

En présence d’un élément d’extranéité, c’est-à-dire un lien avec l’étranger, deux questions distinctes mais étroitement liées doivent être résolues : quel tribunal va juger votre divorce et quelle loi va s’appliquer ? En effet, les réponses à ces questions déterminent le cadre de toute la procédure de divorce judiciaire.

La compétence du tribunal (où divorcer ?)

Lorsqu’on parle de divorce en France, la première question qui se pose est celle du tribunal compétent. Dans l’Union européenne, le règlement Bruxelles II ter définit précisément les cas où un tribunal français peut juger votre divorce :

  • si vous résidez tous les deux en France ; 
  • si votre dernière résidence commune était en France et que l’un de vous y vit encore ; 
  • si le défendeur (celui qui n’introduit pas la procédure) réside en France ; 
  • si le demandeur (celui qui introduit la procédure) réside en France depuis au moins un an avant d’introduire la demande ; 
  • si le demandeur réside en France depuis au moins un an avant d’introduire la demande, ou s’il réside en France depuis au moins six mois et est de nationalité française. 

💡Les conseils de Nolwenn News : 

Ces règles de compétence sont alternatives : il suffit qu’un seul de ces critères soit rempli pour que le tribunal français soit compétent. Gardez toujours les justificatifs de votre résidence (factures, contrat de travail, etc.) pour prouver votre situation.

La loi applicable (selon quelles règles divorcer ?)

Dans le cadre d’un divorce judiciaire avec un conjoint à l’étranger, le règlement Rome III prévoit que la loi applicable sera déterminée automatiquement selon l’ordre suivant :

  • la loi de la résidence habituelle commune des époux au moment de la saisine du tribunal ; 
  • à défaut, la loi de la dernière résidence habituelle commune si l’un des époux y réside encore ; 
  • à défaut, la loi nationale commune des époux ; 
  • à défaut, la loi du tribunal saisi.

Exemple : 

Si vous vivez en France et votre conjoint en Belgique, et que votre dernière résidence commune était en Belgique, c’est la loi belge qui s’appliquera à votre divorce, même si le tribunal français est compétent.

Règle n°2 – Sécuriser la procédure de divorce judiciaire avec un conjoint à l’étranger 

La distance géographique et le contexte international exigent une attention particulière à certains aspects de la procédure de divorce.

Première étape : rassembler les documents essentiels

Pour engager la procédure, vous aurez besoin : 

  • de la copie intégrale de votre acte de naissance et de celui de votre conjoint, datant de moins de trois mois au jour du dépôt au tribunal ; 
  • de la copie intégrale de votre acte de mariage datant de moins de trois mois.  S’il a été célébré à l’étranger, il faudra le faire traduire par un traducteur assermenté et, selon les pays, faire authentifier sa validité. Cette authentification prend deux formes possibles : soit une apostille, c’est-à-dire un certificat officiel apposé sur le document par les autorités du pays qui l’a délivré, soit une légalisation, à savoir une vérification de l’authenticité du document par le consulat ou l’ambassade. La procédure à suivre dépend du pays où votre mariage a été célébré.

❓Le saviez-vous ?

L’apostille est une procédure simplifiée qui s’applique entre les pays signataires de la Convention de La Haye de 1961. Pour les autres pays, la légalisation par les autorités consulaires est nécessaire.

  •  des justificatifs récents de votre résidence habituelle ;
  • des documents relatifs à votre situation familiale et financière.

Deuxième étape : assigner le conjoint en divorce

L’assignation en divorce, acte juridique par lequel vous demandez officiellement le divorce, doit être portée à la connaissance de votre conjoint. Cette étape est essentielle car elle conditionne la validité de toute la procédure.

Un commissaire de justice devra :

  • transmettre les documents à l’autorité compétente du pays où réside votre conjoint (dans l’UE) afin que celle-ci lui notifie ; 
  • passer par le Parquet pour une transmission diplomatique (hors UE).

À noter : si votre conjoint ne comprend pas le français, une traduction des actes sera nécessaire.

👇 Bon à savoir : 

Les délais de notification internationale peuvent être longs : comptez en moyenne 2 à 3 mois pour l’UE, et parfois beaucoup plus pour les autres pays. Il est donc essentiel d’anticiper cette étape.

Troisième étape : poursuivre la procédure

Si votre divorce se déroule devant un tribunal français, votre conjoint qui vit à l’étranger devra :

  • obligatoirement prendre un avocat en France (comme dans tout divorce judiciaire) ; 
  • constituer avocat dans les deux mois qui suivent l’assignation, c’est-à-dire que l’avocat choisi se manifeste officiellement auprès du Tribunal pour dire qu’il assistera telle personne (article 643 du Code de procédure civile) ;
  • pouvoir participer à la procédure par l’intermédiaire de son avocat, sa présence physique aux audiences n’étant pas obligatoire.

👉 Bon à savoir : 

Si votre conjoint ne constitue pas avocat après avoir reçu l’assignation, la procédure continuera quand même, mais en son absence. On parle alors de jugement « par défaut ».

❓Le saviez-vous ?

Si votre conjoint engage une procédure de divorce dans son pays avant vous, le tribunal français devra se dessaisir au profit du tribunal étranger premier saisi. C’est ce qu’on appelle la règle de litispendance internationale. Par exemple : vous vivez en France et votre conjoint en Allemagne. Si votre conjoint saisit un tribunal allemand le 1er mars pour demander le divorce, et que vous saisissez un tribunal français le 15 mars, c’est le tribunal allemand qui sera compétent pour l’ensemble de la procédure, même si vous remplissez les conditions pour divorcer en France. Le tribunal français devra alors se dessaisir au profit du tribunal allemand. Aussi, si vous souhaitez que votre divorce soit jugé en France, il est donc important d’agir rapidement.

Règle n°3 – Anticiper la reconnaissance internationale du divorce

Vous avez obtenu votre jugement de divorce en France, mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Pour que ce divorce soit effectif partout, notamment dans le pays où réside votre ex-conjoint, il doit être reconnu par les autorités locales.

Dans l’Union européenne : une procédure simplifiée

Grâce au règlement Bruxelles II ter, votre jugement de divorce français sera automatiquement reconnu dans tous les pays de l’Union européenne. Cela signifie que vous n’avez pas besoin d’engager une nouvelle procédure judiciaire et que les autorités locales n’exercent pas de contrôle du jugement français. Celui-ci produit les mêmes effets que s’il avait été rendu dans le pays de votre conjoint. 

❓Le saviez-vous ?

Si vous devez prouver votre divorce dans un pays de l’UE (par exemple pour vous remarier), il vous suffira de présenter une copie du jugement et le certificat prévu par le règlement Bruxelles II ter, que le tribunal vous délivrera sur demande.

Hors Union européenne : une situation plus complexe

La reconnaissance du jugement dépend des accords existants entre la France et le pays concerné.

Dans certains pays liés à la France par des conventions bilatérales, comme le Maroc ou l’Algérie, des procédures spécifiques sont prévues. Par exemple, avec l’Algérie, une exequatur reste nécessaire, tandis qu’avec le Maroc, la procédure est simplifiée mais nécessite tout de même certaines formalités.

Pour les autres pays, une procédure d’exequatur complète est nécessaire, c’est-à-dire qu’il faut demander aux tribunaux locaux de vérifier que le jugement français respecte certaines conditions (comme l’ordre public local ou le respect des droits de la défense).

💡Les conseils de Nolwenn News : 

Ne négligez pas cet aspect de la procédure. Si vous envisagez de vous remarier plus tard, si vous avez des biens dans le pays de résidence de votre ex-conjoint ou si vous avez des enfants (pour garantir l’exercice effectif des droits parentaux de chacun), vérifiez avec votre avocat dès le début de la procédure les conditions de reconnaissance du divorce dans ce pays. En effet, un divorce non reconnu à l’étranger pourrait créer des difficultés importantes dans l’exercice de l’autorité parentale lorsque les parents vivent dans des pays différents.

Règle n°4 – Protéger vos droits et ceux de vos enfants

Dans un divorce international qui implique des enfants, l’enjeu principal est d’organiser concrètement l’exercice de l’autorité parentale malgré la distance.

Le droit de visite transfrontière

Lorsqu’un parent vit dans un pays différent de celui de l’enfant, le tribunal doit organiser un droit de visite et d’hébergement adapté à cette situation particulière. Pour cela, il prend en compte les périodes de vacances scolaires dans les deux pays, les coûts et la durée des trajets, ainsi que les moyens de communication à distance (visioconférence, téléphone).

💡Les conseils de Nolwenn News : 

Anticipez les modalités pratiques : qui paiera les billets d’avion ? Comment gérer la question des passeports et des autorisations de sortie du territoire si l’enfant voyage seul ? Plus ces points sont précisément réglés dans le jugement, moins il y aura de conflits par la suite.

Le déplacement des enfants

Attention, déplacer les enfants dans un autre pays sans l’accord de l’autre parent ou du juge peut être qualifié d’enlèvement international d’enfants. Les conséquences sont graves : procédure de retour immédiat et sanctions pénales possibles.

👇 Bon à savoir : 

Si vous envisagez de déménager à l’étranger avec vos enfants, vous devez obtenir l’accord préalable de l’autre parent ou, à défaut, l’autorisation du juge. Cette règle s’applique même si vous avez la résidence habituelle des enfants.

Règle n°5 – S’entourer des bons professionnels

Un divorce international est une procédure complexe qui nécessite un accompagnement juridique spécialisé. Faire les bons choix dès le début peut vous éviter bien des difficultés.

Pour un divorce international, il est essentiel de choisir un avocat qui maîtrise le droit international privé de la famille et est habitué aux procédures transfrontalières.

Lorsque votre conjoint réside à l’étranger, d’autres professionnels peuvent être amenés à intervenir. Il s’agit notamment du commissaire de justice pour la notification internationale des actes, d’un traducteur assermenté pour les documents officiels et, si nécessaire, d’un avocat correspondant dans le pays de résidence de votre conjoint pour faciliter la reconnaissance du divorce.

☝️Bon à savoir : 

Certains documents devront être traduits par un traducteur assermenté, c’est-à-dire qui a prêté serment devant un tribunal et qui est officiellement habilité à certifier la conformité de ses traductions. Ces traductions ont un coût qu’il faut prévoir dans votre budget global de divorce.

Ne faites pas l’économie d’un accompagnement juridique de qualité : un divorce international mal engagé peut entraîner des complications pendant des années, notamment pour la reconnaissance du jugement à l’étranger ou l’exécution des décisions qui concernent les enfants ou les aspects financiers.

Entre les questions de compétence, la notification à l’étranger, la reconnaissance du jugement et l’organisation pratique avec les enfants, un divorce avec un conjoint à l’étranger peut paraître complexe, mais il n’est pas insurmontable. Avec une bonne préparation et un accompagnement adapté, cette procédure peut se dérouler sereinement.

En effet, malgré la distance géographique, le droit s’est adapté à ces situations de plus en plus fréquentes. Des règles internationales, et notamment européennes, ont été prévues pour vous protéger et faciliter la procédure.

Un divorce international bien préparé est la meilleure garantie pour votre avenir et celui de vos enfants. N’hésitez pas à vous faire accompagner par un avocat en droit de la famille qui saura vous guider à chaque étape.

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