Pourquoi faut-il éviter le divorce par consentement mutuel en cas de violences au sein du couple ?

« Je veux juste partir vite, peu importe les conditions. » Cette phrase, de nombreuses victimes de violences conjugales la prononcent et envisagent un divorce. En 2023, 271 000 victimes de violences conjugales ont été enregistrées par les services de sécurité en France, soit une hausse alarmante de 10% en un an. Derrière chacun de ces chiffres, il y a une personne qui, comme vous, cherche une issue. Aussi, la question de la séparation et, plus précisément, du divorce est capitale. Elle apparaît alors comme une promesse de liberté retrouvée.

Or, si la procédure de divorce amiable semble être la voie la plus rapide pour sortir d’une situation dangereuse, elle peut toutefois cacher de sérieux risques pour les victimes. Nolwenn News vous explique pourquoi le divorce par consentement mutuel s’avère risqué en cas de violences et, surtout, quelles alternatives plus protectrices existent.

Divorce amiable et violences dans le couple : pourquoi les victimes sont-elles tentées ?

Face aux violences conjugales, l’urgence de sortir d’une situation dangereuse peut pousser à choisir la voie du divorce qui semble la plus rapide. 

Avec sa promesse d’une procédure simplifiée et rapide, le divorce par consentement mutuel peut alors se présenter comme une solution séduisante. En effet, l’absence de confrontation devant un juge et la perspective de tourner rapidement la page exercent un attrait compréhensible pour les victimes épuisées par leur situation.

Cette propension s’explique également par le mécanisme même des violences conjugales. Le cycle de la violence, caractérisé par des phases de tension, d’explosion, de justification et de « lune de miel », peut créer chez la victime un désir urgent d’échapper à cette spirale. Dans ce contexte, la rapidité promise par le divorce par consentement mutuel apparaît comme une bouée de sauvetage.

Pourtant, comme le soulignent de nombreux professionnels, cette apparente simplicité peut se transformer en véritable piège. 

Les dangers du divorce par consentement mutuel face aux violences conjugales

Dans un contexte de violences au sein du couple, le divorce par consentement mutuel présente en réalité des dangers. 

Des négociations quasi impossibles

Premier écueil, et de taille : cette procédure suppose une négociation équilibrée et respectueuse entre les époux. Or, dans une situation de violences, qu’il s’agisse de violences physiques ou de violences psychologiques, l’emprise rend impossible toute discussion équitable, de même que le rapport de force permanent.

Ainsi, les questions essentielles relatives à la résidence des enfants, au partage des biens et aux considérations financières (contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, prestation compensatoire, etc.) ne peuvent être sereinement abordées. 

Les statistiques montrent que dans 40 % des cas, les violences conjugales commencent pendant la grossesse, et environ 3 millions d’enfants vivent dans des foyers où elles ont lieu. Ainsi, dans un contexte de divorce par consentement mutuel où la situation n’est pas véritablement examinée, la protection des enfants peut devenir particulièrement complexe et ces derniers peuvent se retrouver exposés à un parent violent. 

Ensuite, sous la pression ou par peur, de nombreuses victimes acceptent des conditions désavantageuses, et sacrifient leur sécurité financière future. Les violences économiques, souvent méconnues mais très présentes, peuvent se poursuivre à travers ces arrangements financiers déséquilibrés.

Le risque de vice du consentement 

Dans un divorce par consentement mutuel, chaque époux doit obligatoirement être assisté de son propre avocat. Cette obligation n’est pas une simple formalité : elle vise à garantir la protection des intérêts de chacun. L’avocat a notamment pour mission de vérifier que le consentement de son client est réellement libre et éclairé avant de contresigner la convention de divorce.

Cette vérification est particulièrement importante en présence de violences conjugales. En effet, l’emprise psychologique exercée par l’auteur.e des violences peut altérer significativement la capacité de la victime à consentir librement. La peur, les menaces ou les pressions peuvent la conduire à accepter des conditions défavorables ou à renoncer à des droits essentiels.

Face à une situation de violences, l’avocat a le devoir déontologique de refuser de contresigner la convention. Un consentement donné sous la contrainte, qu’elle soit physique ou morale, est juridiquement vicié et pourrait même entraîner la nullité de la convention de divorce. L’avocat doit alors orienter son client vers des procédures plus protectrices.

Les alternatives au DCM : l’ordonnance de protection et le divorce pour faute 

Face au manque de protection proposé par ledivorce par consentement mutuel, des solutions plus adaptées existent. Pour les mettre en œuvre efficacement, il est vivement recommandé de prendre attache avec un avocat en droit de la famille. Son expertise sera précieuse pour vous guider vers la procédure la plus adaptée à votre situation et sécuriser au mieux vos droits ainsi que ceux de vos enfants.

L’ordonnance de protection : une mesure essentielle

L’ordonnance de protection constitue un outil juridique précieux. Délivrée en urgence par le juge aux affaires familiales dans un délai maximal de six jours, elle offre un panel de mesures concrètes et indispensables :

  • L’interdiction pour l’auteur des violences d’entrer en contact avec la victime ; 
  • L’attribution prioritaire du logement familial à la victime ; 
  • La possibilité de dissimuler sa nouvelle adresse ; 
  • Des dispositions spécifiques concernant la résidence des enfants.

❓Le saviez-vous ? 

La loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforce considérablement la protection des victimes de violences au sein du couple. Elle instaure notamment une nouvelle ordonnance provisoire de protection immédiate, délivrée en 24 heures en cas de danger grave. Le texte garantit désormais une protection même en l’absence de cohabitation avec l’auteur des violences et étend la durée des mesures de protection à 12 mois. Les sanctions en cas de non-respect de l’ordonnance ont également été renforcées. Cette loi facilite ainsi l’accès à une protection rapide et efficace, particulièrement utile pendant une procédure de divorce.

Pour en savoir plus sur cette avancée majeure, consultez notre article dédié à la Loi sur l’ordonnance de protection du 13 juin 2024

Le divorce pour faute : une procédure sécurisante pour les victimes

Le divorce pour faute représente souvent une alternative plus adaptée. 

Bien que plus long, il offre cependant un cadre juridique protecteur fondamental. En effet, cette procédure permet non seulement de faire reconnaître officiellement les violences subies, mais aussi d’obtenir des mesures de protection durables. Elle garantit également une meilleure préservation des droits concernant le partage des biens et la résidence des enfants.

Constituer un dossier solide

La préparation d’un dossier de preuves est indispensable. Les éléments recevables devant la justice peuvent prendre différentes formes : 

  • certificats médicaux qui détaillent les blessures physiques et les troubles psychologiques ;
  • dépôts de plainte et mains courantes ; 
  • témoignages écrits de l’entourage, des voisins, ou des professionnels ; 
  • captures d’écran de messages menaçants ou insultants ; 
  • photos des blessures ou des dégradations ; 
  • relevés bancaires susceptibles de démontrer les violences économiques ;
  • etc.

Les étapes de la procédure

La procédure judiciaire se déroule en plusieurs étapes :

  1. Consultation d’un avocat spécialisé en droit de la famille ; 
  2. Demande d’ordonnance de protection si nécessaire ; 
  3. Constitution du dossier de preuves ; 
  4. Dépôt de la demande en divorce par assignation ; 
  5. Audience d’orientation et sur mesures provisoires ; 
  6. Procédure au fond avec présentation des preuves.

La protection spécifique des enfants

Les violences conjugales ont un impact direct sur les modalités de résidence des enfants. Les études démontrent en effet que l’exposition aux violences conjugales a des impacts majeurs sur le développement des enfants. Ces impacts peuvent être à la fois psychologiques (anxiété, dépression, stress post-traumatique), comportementaux et développementaux. 

Dans le cadre du divorce pour faute, les juges sont particulièrement attentifs à la protection immédiate des enfants. Ils peuvent, si nécessaire, faire procéder à un examen  psychologique de toute la famille et notamment des enfants et organiser, lorsque cela est nécessaire, des visites médiatisées. 

La nécessité d’un accompagnement global

Au-delà des aspects juridiques, la priorité est la mise en sécurité. Avant même d’entamer la procédure de divorce, il est recommandé de préparer un « sac de départ » contenant documents importants et effets personnels, d’identifier un lieu sûr pour un hébergement d’urgence si nécessaire, et d’établir un plan de sortie.

Aussi, la sortie d’une situation de violences conjugales nécessite un accompagnement pluridisciplinaire. Les associations spécialisées peuvent vous aider à trouver un hébergement, à bénéficier d’un soutien psychologique, à accéder à une aide financière d’urgence et, de manière générale, à être accompagné.e dans vos démarches administratives.

En conclusion

Le divorce par consentement mutuel, malgré son apparente simplicité, n’est généralement pas adapté au contexte de violences dans le couple. Face à ces situations, privilégiez les procédures qui offrent un véritable cadre de protection. La priorité doit toujours être votre sécurité et celle de vos enfants. Mais surtout, n’oubliez pas que vous n’êtes pas seul.e : des professionnels sont là pour vous accompagner dans ce parcours délicat. 

⚠️ En cas d’urgence :

https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/violences-conjugales-enregistrees-par-services-de-securite-en-2023

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