« Puisque les époux sont d’accord sur tout, pourquoi contester un divorce par consentement mutuel ? » Cette question est légitime. En effet, par nature, ce type de divorce repose sur l’accord des époux tant sur le principe que sur toutes les conséquences de leur séparation. Aussi, son annulation pourrait paraître surprenante, voire paradoxale.
Pourtant, depuis la réforme du 1er janvier 2017, le divorce par consentement mutuel ne nécessite plus de passer devant le juge. Cette déjudiciarisation, qui visait à simplifier la procédure, a changé la donne en matière de contestation. En effet, sans l’homologation du juge qui « purgeait » les vices potentiels, la convention de divorce est devenue un contrat qui peut, comme tout contrat et sous certaines conditions, être remis en cause. Aujourd’hui, le divorce par consentement mutuel (DCM) représente une part significative des divorces en France et si la procédure peut sembler plus accessible, notamment avec l’émergence de plateformes en ligne, elle n’en reste pas moins un acte juridique aux conséquences importantes.
Alors, quand et comment peut-on obtenir l’annulation d’un divorce par consentement mutuel ? Quelles sont les conditions à remplir ? Et surtout, comment s’assurer que votre procédure est juridiquement sécurisée ? Nolwenn News fait le point.
Les conditions légales de l’annulation du divorce par consentement mutuel : un cadre strict
L’annulation d’un divorce par consentement mutuel n’est possible que dans un cadre juridique précis. En application de l’article 1178 du Code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité peut être annulé par le juge. La loi prévoit toutefois des conditions strictes qui encadrent cette possibilité.
Le saviez-vous ?
Il est important de distinguer la convention de divorce elle-même et la convention de liquidation du régime matrimonial établie par le notaire qui y est annexée. Ainsi, la simple omission d’un bien dans le partage ne suffit pas à justifier l’annulation de la convention de divorce. Elle relève de la convention liquidative et peut donner lieu à une action en complément de partage distincte.
Un délai de prescription de cinq ans
La première condition est temporelle : en l’absence de disposition spécifique dans le droit du divorce, c’est le droit commun des contrats qui s’applique. Ainsi, conformément à l’article 2224 du Code civil, l’action en nullité du DCM doit être engagée dans un délai de cinq ans à compter du dépôt de la convention de divorce au rang des minutes du notaire. Ce délai (qu’on appelle délai de prescription) n’est pas anodin : il permet à la fois d’assurer une certaine sécurité juridique à la procédure tout en laissant un temps raisonnable pour agir en cas de découverte d’une irrégularité. Il est toutefois possible de prévoir conventionnellement un délai plus court, par exemple d’un an, dans la convention de divorce.
❓Le saviez-vous ?
Cette application du droit commun des contrats découle directement de la loi du 18 novembre 2016 qui a fait de la convention de divorce un acte sous signature privée contresigné par avocats.
Des motifs légalement définis
La soumission au droit commun des contrats ne se limite pas au délai de prescription. Elle s’étend également aux conditions de validité prévues par l’article 1128 du Code civil qui pose trois conditions essentielles à la validité d’un contrat : le consentement des parties, leur capacité à contracter et un contenu licite et certain.
Appliquées au divorce par consentement mutuel, ces conditions permettent d’identifier plusieurs cas d’annulation :
Le consentement, première condition fondamentale, peut être vicié de plusieurs manières dans le cadre d’un DCM. L’erreur, le dol ou la violence ayant altéré la volonté d’un époux constituent des motifs classiques d’annulation.
L’erreur est une représentation inexacte de la réalité qui a conduit l’époux à s’engager alors qu’il ne l’aurait pas fait s’il avait eu une vision exacte de la situation. Cette erreur doit porter sur une qualité substantielle, c’est-à-dire déterminante du consentement.
Exemple :
Un époux découvre après le divorce que son conjoint lui a dissimulé l’existence d’un enfant né pendant le mariage.
Le dol consiste en des manœuvres frauduleuses destinées à tromper l’autre époux pour obtenir son consentement.
Exemple :
Un époux a volontairement dissimulé l’existence de comptes bancaires importants pour les faire échapper à son patrimoine pour diminuer le montant de la prestation compensatoire.
La violence, qu’elle soit physique ou morale, vicie également le consentement.
Exemple :
Des pressions exercées par un époux sur l’autre pour le forcer à accepter les termes de la convention peuvent justifier son annulation.
L’état de dépendance d’un époux, qu’elle soit économique, affective ou psychique, peut également affecter la liberté du consentement. Le non-respect par l’avocat de son devoir d’information, en privant l’époux d’un consentement éclairé, s’inscrit aussi dans cette catégorie.
La capacité de contracter, deuxième condition essentielle, explique d’ailleurs pourquoi le divorce par consentement mutuel est impossible lorsque l’un des époux est placé sous un régime de protection. Cette interdiction vise précisément à protéger les personnes dont la capacité juridique est altérée. Par exemple, un époux placé sous tutelle ou sous curatelle ne peut pas divorcer par consentement mutuel : il doit nécessairement passer par une procédure judiciaire où le juge pourra s’assurer de la protection de ses intérêts.
☝️ Bon à savoir :
Attention, l’action en nullité n’est pas destinée aux époux qui se seraient remis ensemble après leur divorce. La réconciliation des époux, aussi heureuse soit-elle, n’est pas un motif d’annulation du divorce par consentement mutuel. Dans ce cas, si les ex-époux souhaitent reformer leur union, ils devront se remarier.
La procédure d’annulation du divorce par consentement mutuel : une démarche encadrée
La saisine du tribunal judiciaire
L’action en nullité doit être portée devant le tribunal judiciaire territorialement compétent, c’est-à-dire soit celui du lieu de résidence du défendeur, soit celui du lieu d’enregistrement de la convention de divorce. La procédure nécessite obligatoirement l’assistance d’un avocat qui devra rédiger une assignation détaillant précisément les motifs d’annulation invoqués.
👇 Bon à savoir :
Pour des raisons déontologiques, l’avocat qui engage la procédure en nullité ne peut pas être l’un de ceux qui a participé à la rédaction de la convention initiale. En effet, de façon tout à fait logique, un avocat ne peut pas remettre en cause un acte qu’il a lui-même rédigé et validé.
La charge de la preuve
C’est à l’époux qui demande l’annulation du divorce par consentement mutuel de prouver l’existence du vice qu’il invoque. La preuve peut être apportée par tout moyen : documents, témoignages ou encore échanges de correspondances constituent autant d’éléments qui permettent d’établir l’existence d’un vice. Elle peut parfois s’avérer complexe, notamment en cas de vice du consentement.
👉 Bon à savoir :
Attention à ne pas confondre l’action en nullité avec la simple modification de certaines dispositions de la convention ! Si vous souhaitez uniquement adapter les mesures qui concernent les enfants (pension alimentaire, droits de visite, etc.) ou réviser une prestation compensatoire en raison d’un changement de situation, une saisine classique du juge aux affaires familiales suffit. L’action en nullité, bien plus lourde de conséquences, ne doit être envisagée que lorsqu’il s’agit de remettre en cause la validité même de la convention de divorce.
Sécuriser son DCM pour éviter l’annulation : les points essentiels
Le rôle fondamental des avocats
Les avocats jouent un rôle central dans la sécurisation du divorce par consentement mutuel.
En effet, leur mission ne se limite pas à une simple signature : ils doivent informer clairement leurs clients de l’ensemble de leurs droits et vérifier minutieusement l’équilibre de la convention.
Leur présence physique lors de la signature est par ailleurs obligatoire pour s’assurer du consentement libre et éclairé de leur client. Cette signature doit impérativement être simultanée : tous les intervenants (époux et avocats) doivent signer ensemble, au même moment. Cette exigence est maintenue même en cas de signature électronique via le système e-convention de divorce du CNB (le seul homologué), qui géolocalise les adresses IP pour garantir cette simultanéité. Cette obligation de conseil et d’accompagnement, renforcée par l’exigence de signature commune, constitue la pierre angulaire de la procédure de divorce par consentement mutuel par acte d’avocat.
Une décision récente du tribunal judiciaire de Versailles rendue le 30 avril 2024 illustre l’importance de ces obligations : en l’espèce, l’annulation du DCM a été prononcée car l’épouse a pu démontrer que son avocat n’était pas présent lors de la signature de la convention et n’avait jamais rempli son devoir de conseil.
Les garanties indispensables
La procédure repose, en outre, sur plusieurs éléments fondamentaux qui constituent autant de garanties pour les époux.
Une attention particulière doit être portée à la rédaction de la convention qui doit être détaillée et équilibrée. Chaque aspect de la séparation doit y être précisément traité : les conséquences patrimoniales, la prestation compensatoire éventuelle, les modalités relatives aux enfants, etc. La convention doit également mentionner expressément que chaque époux a reçu l’information complète sur ses droits et les conséquences du divorce.
Aussi, le respect du délai de réflexion de 15 jours avant la signature constitue une première garantie essentielle. Ce délai impératif, qui court à compter de la réception du projet de convention, permet à chaque époux de prendre le recul nécessaire et de mesurer pleinement les conséquences de son engagement avant de signer.
Enfin, la conservation des preuves et des échanges tout au long de la procédure peut s’avérer précieuse en cas de contestation ultérieure. Il est ainsi recommandé de garder les différentes versions de la convention, l’ensemble des échanges écrits (notamment les mails), ainsi que les justificatifs des éléments patrimoniaux déclarés.
💡Les conseils de Nolwenn News :
Les règles qui encadrent le divorce par consentement mutuel ne sont pas de simples formalités administratives : elles existent pour vous protéger. Chaque époux doit pouvoir choisir son avocat, le rencontrer, lui poser toutes ses questions et se faire conseiller, même si son dossier semble simple. Cette étape est essentielle car une fois qu’il est acté, il est quasiment impossible de revenir sur un divorce. En effet, l’annulation n’est possible que dans des cas graves et l’obtenir est loin d’être simple.
Si vous vous rendez compte trop tard que vous avez fait les mauvais choix dans votre convention, il sera très difficile, voire impossible de revenir en arrière. Certes, le juge peut être saisi pour modifier certaines dispositions, mais uniquement en cas d’élément nouveau. Aussi, prenez le temps de la réflexion : s’il est simple, un divorce peut être économique, mais ne sacrifiez pas la sécurité juridique de votre procédure à la rapidité.
Si elle est juridiquement possible, l’annulation d’un divorce par consentement mutuel n’est ni une option par défaut, ni une solution miracle en cas de regrets. Le législateur a précisément encadré cette possibilité pour préserver un équilibre entre la sécurité juridique nécessaire à toute séparation et la protection des époux contre d’éventuels vices de consentement.
La récente décision du tribunal de Versailles nous rappelle que cette voie existe, mais elle souligne surtout l’importance d’un accompagnement juridique de qualité en amont. En effet, la meilleure protection contre une éventuelle annulation reste la rigueur mise en œuvre dans la procédure initiale. Le choix d’un avocat en droit de la famille impliqué, disponible pour des rendez-vous physiques et attentif aux besoins de conseil de son client, constitue la première garantie d’un divorce serein et pérenne. L’absence de contrôle du juge renforce la responsabilité des avocats et, par conséquent, l’importance d’une vigilance accrue des époux eux-mêmes. Prendre le temps de la réflexion, poser toutes ses questions et s’assurer de bien comprendre chaque aspect de la convention ne sont pas de simples précautions, mais des étapes essentielles pour garantir la solidité juridique de votre DCM.
En définitive, l’existence même de la possibilité d’annulation nous rappelle que le divorce, même par consentement mutuel, reste un acte juridique majeur aux conséquences importantes. Sa préparation mérite donc toute l’attention et le professionnalisme nécessaires pour en garantir la pérennité.