Comment assurer la protection du patrimoine entrepreneurial en cas de mariage ?

Vous êtes entrepreneur et le grand jour approche ? Ou peut-être êtes-vous déjà marié·e depuis plusieurs années ? Pourtant, une question vous rassemble : vous vous interrogez sur la protection de votre patrimoine professionnel. Il s’agit d’un sujet qui, de nos jours, préoccupe de nombreux créateurs d’entreprise. Et on comprend pourquoi : entre la réforme de 2022 qui a bouleversé les règles du jeu et les différents régimes matrimoniaux possibles, il n’est pas simple de s’y retrouver !

La bonne nouvelle ? Nolwenn News a fait le tour de la question et vous propose un guide complet pour en savoir plus sur la protection du patrimoine entrepreneurial et le mariage.

Protection du patrimoine entrepreneurial et mariage : le cadre légal actuel

Avant toute chose, une précision importante s’impose : la protection de votre patrimoine dépend, en premier lieu, de la forme juridique de votre entreprise.

Si vous êtes entrepreneur individuel, la loi du 14 février 2022 vous apporte une protection automatique : votre patrimoine personnel est désormais séparé de votre patrimoine professionnel. C’est comme si vous aviez deux portefeuilles distincts : l’un pour votre vie professionnelle, l’autre pour votre vie personnelle.

Attention toutefois, cette protection n’est pas absolue. En effet, les établissements bancaires peuvent vous demander d’y renoncer pour l’octroi d’un prêt professionnel. Par ailleurs, les dettes fiscales, tout comme les dettes liées à la vie courante du ménage, concernent toujours les deux époux.

Si vous exercez en société (SARL, SAS, etc.), vous n’êtes pas concerné par la réforme. Ce sont alors les règles classiques du droit des sociétés qui s’appliquent et certaines peuvent mettre en danger votre patrimoine personnel :

  • en cas de caution personnelle donnée à votre société (très souvent exigée par les banques) ;
  • en cas de faute de gestion aboutissant à une action en responsabilité contre vous ;
  • si vous vous portez garant des dettes de votre société ;
  • dans certains cas de redressement ou liquidation judiciaire, où le tribunal peut décider d’étendre la procédure à vos biens personnels.

Aussi, en cas de mariage, c’est votre régime matrimonial qui joue un rôle essentiel dans la protection de votre patrimoine familial.

Mais attention, l’impact de votre régime matrimonial sur l’entreprise varie selon plusieurs facteurs :

  • la forme juridique de votre entreprise (entreprise individuelle ou société) ;
  • le moment de création de l’entreprise (avant ou pendant le mariage) ;
  • l’origine des fonds utilisés pour la création ou l’acquisition.

Si vous créez une entreprise avant le mariage, elle reste un bien propre quel que soit votre régime matrimonial. En revanche, si vous la créez pendant le mariage avec des fonds communs sous le régime de la communauté, votre conjoint aura des droits sur sa valeur.

🔎 Exemple :

Thomas a créé son cabinet d’architecte en 2020 et se marie en 2025 : son entreprise reste son bien propre, même sous le régime de la communauté légale. Sophie crée sa boutique de décoration en 2025, un an après son mariage, en utilisant l’épargne commune du couple : dans ce cas, même si c’est son projet personnel, son mari aura droit, en cas de divorce, à 50 % de la valeur de l’entreprise.

Quel régime matrimonial choisir pour protéger son entreprise ?

Le choix de votre régime matrimonial n’est pas une simple formalité administrative. Pour les entrepreneurs notamment, c’est une décision stratégique qui va déterminer les règles applicables à vos biens, vos revenus et vos dettes.

Vous disposez de plusieurs options : le régime de la communauté réduite aux acquêts, le régime de la séparation de biens, le régime de la participation aux acquêts et le régime de la communauté universelle.

Le régime légal de la communauté réduite aux acquêts

Le régime légal de la communauté réduite aux acquêts s’applique automatiquement si vous ne faites pas de choix spécifique au moment de votre union.

Dans ce cadre, tous les biens acquis pendant le mariage appartiennent aux deux époux, y compris votre entreprise si elle est créée après le mariage avec des fonds communs. Toutefois, il existe une exception importante : si vous créez votre entreprise en utilisant exclusivement des fonds propres (par exemple, un héritage ou une donation) et que vous prenez soin d’inclure une clause de remploi dans l’acte de création, l’entreprise reste votre bien propre.

Cela signifie que tous les revenus tombent dans la communauté, qu’ils proviennent de l’entreprise créée pendant le mariage ou même d’une entreprise qui serait un bien propre. En effet, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, les revenus de tous les biens (communs comme propres) entrent en communauté.

Si ce régime présente l’avantage d’un partage équitable des richesses créées pendant le mariage, il comporte aussi des risques significatifs : en cas de difficultés professionnelles, les créanciers peuvent saisir le patrimoine commun. De plus, en cas de divorce, votre conjoint pourrait réclamer la moitié de la valeur de votre entreprise.

Le régime de séparation de biens

Le régime de la séparation de biens offre une approche radicalement différente. Il nécessite d’établir un contrat de mariage et permet une séparation totale des patrimoines.

Chaque époux reste propriétaire de ses biens et gère son patrimoine en toute autonomie. Pour un entrepreneur, cela signifie une protection maximale de son activité professionnelle et une grande liberté de gestion. Le coût varie selon les notaires et la complexité de la situation patrimoniale. Certains choisissent également d’inclure des clauses personnalisées pour anticiper des scénarios spécifiques (activité professionnelle à l’étranger, transmission d’entreprise, etc.).

Néanmoins, le régime de séparation de biens peut créer des déséquilibres patrimoniaux entre les époux, particulièrement si l’un des deux se consacre à la vie familiale au détriment de sa carrière.

Il existe également une variante intéressante : la séparation de biens avec société d’acquêts. Ce régime permet de combiner les avantages de la séparation de biens tout en créant une poche de communauté pour certains biens choisis par les époux. Par exemple, vous pouvez décider que la résidence principale sera commune, tout en maintenant une séparation stricte pour vos biens professionnels. Cette flexibilité permet de protéger votre activité entrepreneuriale tout en partageant certains éléments de patrimoine avec votre conjoint.

👉 Bon à savoir :

La société d’acquêts doit être précisément définie dans le contrat de mariage : quels biens seront mis en commun ? Quelles seront les règles de gestion ? Cette clarté est essentielle pour éviter toute confusion future.

Le régime de la participation aux acquêts

Le régime de la participation aux acquêts représente une solution intermédiaire particulièrement intéressante. Pendant le mariage, il fonctionne comme une séparation de biens. Il offre ainsi une protection optimale de l’entreprise, mais il prévoit un partage de l’enrichissement lors de la dissolution du mariage.

Une clause spécifique du contrat de mariage peut même exclure l’entreprise du calcul de cet enrichissement. Cependant, attention : depuis un arrêt majeur de la Cour de cassation du 18 décembre 2019, cette clause dite « clause d’exclusion des biens professionnels » est considérée comme un avantage matrimonial. Concrètement, cela signifie qu’elle est automatiquement révoquée en cas de divorce, sauf si l’époux qui l’a consentie exprime expressément sa volonté de la maintenir.

❓Le saviez-vous ?

Cette position de la Cour de cassation limite considérablement l’intérêt pratique de cette clause. En effet, alors qu’elle était fréquemment utilisée pour protéger le patrimoine professionnel, son annulation automatique en cas de divorce la rend beaucoup moins efficace que prévu initialement. D’où l’importance d’en discuter avec votre notaire pour envisager d’autres solutions de protection.

Le régime de la communauté universelle

La communauté universelle est un régime qui met en commun tous les biens des époux, qu’ils soient acquis avant ou pendant le mariage. Pour un entrepreneur, ce régime présente un risque important : en cas de difficultés professionnelles, l’intégralité du patrimoine du couple peut être engagée. Il n’est donc généralement pas recommandé dans un contexte entrepreneurial, sauf dans des situations très spécifiques et après analyse approfondie avec un notaire.

❓Le saviez-vous ?

Vous n’êtes pas enfermé dans votre choix initial ! Le changement de régime matrimonial est possible à tout moment. Il suffit que les deux époux soient d’accord et que le changement serve l’intérêt de la famille. La procédure se déroule devant un notaire, qui rédige un nouveau contrat de mariage. Vos enfants majeurs et vos créanciers seront informés et disposent d’un délai de 3 mois pour s’y opposer. Le changement prend effet entre les époux à la date de l’acte, et à l’égard des tiers trois mois après la mention en marge de l’acte de mariage.

💡Les conseils de Nolwenn :

Avant d’examiner en détail chaque régime, gardez à l’esprit qu’il n’existe pas de solution universelle. Le meilleur choix dépendra de votre situation, de vos projets et de la manière dont vous envisagez votre vie commune. Prenez attache avec un avocat en droit de la famille pour étudier les diverses options.

Mariage et entrepreneuriat : les stratégies pour protéger son patrimoine

La protection de votre patrimoine entrepreneurial nécessite une approche globale et réfléchie. Avant le mariage, il est essentiel d’établir un bilan patrimonial complet avec un notaire ou un avocat en droit de la famille. Ce professionnel vous aidera à choisir le régime matrimonial le plus adapté à votre situation et à insérer des clauses sur mesure dans votre contrat.

Choisir une structure juridique adaptée

La protection de votre entreprise passe également par le choix d’une structure juridique adaptée. Depuis la réforme de 2022, l’entreprise individuelle offre une protection automatique comparable à celle des sociétés grâce à la séparation des patrimoines. Toutefois, que vous choisissiez l’entreprise individuelle ou une société (SARL, SAS, etc.), l’essentiel est de bien définir les statuts et de prévoir notamment les modalités de transmission.

👉 Bon à savoir :

Veillez à conserver toutes les preuves de l’origine des fonds investis. Ces documents peuvent s’avérer précieux en cas de séparation.

❓Le saviez-vous ?

En tant que dirigeant, vous pouvez être tenu personnellement responsable en cas de faute de gestion (par exemple, si vous poursuivez une activité déficitaire sans prendre de mesures correctives) ou de dommage causé à un tiers (comme un accident causé par un produit défectueux de votre entreprise). Pour éviter que votre patrimoine familial ne soit impacté, il est essentiel de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle adaptée. Celle-ci couvre les conséquences financières d’une mise en cause, y compris en cas d’erreur ou de négligence dans l’exercice de votre activité.

Protéger votre conjoint

La protection de votre conjoint ne doit pas être négligée. Une assurance-vie bien calibrée, une pension de réversion adaptée et une protection sociale adéquate constituent un filet de sécurité indispensable. Si votre conjoint travaille dans l’entreprise, son statut doit être clairement défini et protégé.

Privilégier une gestion quotidienne

La gestion quotidienne joue également un rôle clé dans la protection de votre patrimoine. Une comptabilité précise et une séparation claire des comptes professionnels et personnels vous permettront d’éviter bien des complications. Enfin, la transparence avec votre conjoint concernant la situation de l’entreprise reste essentielle pour maintenir un climat de confiance.

Réévaluer la situation

N’oubliez pas de réévaluer régulièrement votre situation patrimoniale. L’évolution de votre entreprise peut nécessiter des ajustements dans vos protections. Un rendez-vous annuel avec vos conseillers (notaire, avocat, expert-comptable) vous permettra de maintenir un dispositif de protection optimal.

Le mot de la fin

Entrepreneurs, ne laissez pas le hasard décider de la protection de votre patrimoine. En prenant les bonnes décisions au bon moment, vous pourrez sereinement développer votre entreprise tout en préservant les intérêts de votre famille. Toutefois, n’oubliez pas que chaque situation est unique : ce qui convient parfaitement à un entrepreneur peut être totalement inadapté pour un autre.

Avant le mariage, prenez le temps de la réflexion pour faire le choix le plus adapté à votre situation. N’hésitez pas à consulter des professionnels du droit pour un conseil personnalisé et gardez à l’esprit que la protection de votre patrimoine entrepreneurial est un sujet qui mérite d’être régulièrement réétudié.

En définitive, la protection de votre patrimoine entrepreneurial en cas de mariage n’est pas une contrainte mais une opportunité : celle de construire sereinement votre avenir professionnel tout en protégeant ceux qui vous sont chers !

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