Dans son single “Entre Deux“, la chanteuse Camille Schneyder offre une fenêtre sur l’âme d’un enfant ballotté entre deux foyers, deux vies, à la suite d’une séparation parentale. Camille décrit avec ses mots le tableau d’une enfance déchirée, illustrant les répercussions intimes et souvent invisibles d’une séparation ou d’un divorce.
Alors partons du ressenti exprimé dans cette chanson pour voir comment il est accueilli d’un point de vue juridique dans le cadre d’une séparation amiable des parents ou dans une procédure judiciaire.
Le point de vue de l’enfant : “l’enfant qui morfle”
Dans la chanson “Entre Deux”, chaque mot choisi par Camille Schneyder semble être un cri silencieux, un appel à comprendre la complexité des émotions d’un enfant lors d’une séparation parentale.
Extraits :
🎶Grâce à vous, j’ai pris goût au voyage
Tant de fois j’ai fait naufrage
J’ai jamais pris position
Vous avez qu’à les garder vos opinions
À plus vous parler, vous détester
Vous avez agis comme des cons
[…]
Y a des nuits, j’sais pas où je me lève
J’ai le cœur entre deux chaises 🎶
Dans une séparation, il y a deux grands cas de figure : l’enfant qui s’exprime et l’enfant qui ne dit rien.
Quand l’enfant s’exprime le “cœur gros”
Bien souvent, les parents qui se séparent sont désemparés quand il s’agit de parler à leurs enfants de ce qu’il se passe. Ils veulent bien faire, mais ne savent pas comment et peuvent faire preuve de maladresse. Pas volontairement (dans la majorité des cas du moins !) mais parce que, eux aussi, ne vont pas bien et sont pris dans un tourbillon émotionnel.
Comme l’explique Christèle Albaret que nous avons eu le plaisir d’interviewer, il faut laisser l’enfant à sa place d’enfant, le laisser s’exprimer, ne pas anticiper des questions qu’il ne s’est pas posées, et se contenter de répondre à ses questions.
Quand l’enfant s’exprime, c’est une bonne chose. Il a un grand besoin d’être rassuré : ce ne sont pas ses parents qui se séparent, mais le couple conjugal (vous trouverez plein de trucs et astuces dans la vidéo 😉).
N’hésitez pas à vous faire accompagner par un psy dans ces moments particulièrement difficiles pour vous aider à y voir clair et avoir des conseils qui vous permettent d’avancer à votre rythme et à trouver les clés pour parler à votre enfant et l’aider lui aussi à passer cette étape en douceur.
Quand l’enfant ne s’exprime pas ou somatise
C’est une configuration plus complexe, car on ne sait pas ce qu’il se passe, comment l’enfant vit la situation.
Bien évidemment, ce n’est pas parce qu’il ne s’exprime pas qu’il ne ressent rien.
Comme le dit très bien Camille dans sa chanson :
🎶 Balancée des deux côtés
Maman, Papa, je me suis habituée
Habituée (habituée)
Enfin, ça c’est ce que vous croyez
[…]
Y a des nuits, j’sais pas où je me lève
Et j’ai peur entre deux rêves 🎶
La somatisation, c’est-à-dire la conversion de la détresse psychologique en symptômes physiques, est courante chez les enfants qui vivent de telles situations familiales. Des troubles comme des maux de tête, des troubles alimentaires ou du sommeil, des troubles du comportement, l’énurésie, etc., peuvent être des manifestations de cette souffrance interne.
Il faut donc être vigilant et relever les signes d’un changement de comportement.
Comme pour les adultes, il peut être utile d’offrir à son enfant la possibilité de rencontrer un professionnel de la santé mentale pour qu’il ait une bulle où parler librement et décharger le trop-plein émotionnel.
Au cœur de la séparation parentale : l’intérêt de l’enfant
Qu’est-ce que l’intérêt de l’enfant ?
L’intérêt de l’enfant est un principe juridique central que l’on retrouve souvent dans le Code civil, notamment aux articles relatifs à l’autorité parentale.
L’intérêt de l’enfant doit guider toutes les décisions afférentes aux enfants.
Mais c’est quoi, concrètement ?
En réalité, c’est un concept juridique aux contours flous, car il n’est pas défini par la loi et relève de l’interprétation propre à chacun, notamment de celle des juges.
Néanmoins, ce qui est clair, c’est que l’intérêt de l’enfant vise le bien-être optimal de l’enfant, en prenant en compte des facteurs tels que son développement émotionnel, sa santé, son éducation et ses liens familiaux. Il s’agit de faire primer les besoins et la sécurité de l’enfant sur toutes les autres considérations.
L’intérêt de l’enfant dans une séparation amiable
Lorsque les parents peuvent s’entendre sur les modalités relatives aux enfants (fixation de la résidence, droit de visite et d’hébergement, contribution aux frais des enfants), l’intérêt de l’enfant doit guider leurs décisions.
Ceci implique de concevoir des plans de coparentalité qui favorisent la stabilité et le développement harmonieux de l’enfant, tout en respectant ses relations avec chaque parent.
Ça n’est pas toujours simple, car il faut combiner ce que les parents imaginent comme étant les meilleures solutions pour leurs enfants dans un monde idéal avec des considérations financières, logistiques et organisationnelles…
L’intérêt de l’enfant vu par le Juge
Si les parents ne parviennent pas à un accord, c’est le juge aux affaires familiales (JAF) qui intervient pour trancher le différend entre les parents en ayant comme boussole l’intérêt de l’enfant.
Il devra décider laquelle des solutions proposées par les parents sera la plus adaptée pour les enfants, ce qui n’est pas toujours une mince affaire, surtout quand les deux propositions faites par les parents répondent toutes deux aux intérêts des enfants.
C’est là que l’on tombe dans ce que l’on appelle l’”appréciation souveraine du juge” qui peut ne pas être très bien vécue par le parent qui voit sa demande rejetée…
La solution : l’audition de l’enfant ?
La loi prévoit, à l’article 388-1 du Code civil que :
“Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.
L’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.
Le juge s’assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat.“
Donc, l’enfant peut être entendu dans le cadre de la séparation parentale puisque sa résidence va être fixée chez l’un de ses parents et le rythme où il verra son autre parent sera, lui aussi, organisé, ou bien une résidence alternée va être mise en place. Ces mesures le concernent au premier chef.
L’audition de l’enfant par le JAF
Quand il y a une procédure judiciaire, c’est le Juge qui entend l’enfant.
L’enfant est bien souvent accompagné par un avocat d’enfant, désigné par l’antenne des mineurs du Barreau à la demande du Juge et qui est payé par l’Aide juridictionnelle et non par l’un des parents.
L’enfant peut aussi être entendu dans le cadre d’une expertise, notamment quand le juge ordonne un examen médico-psychologique de toute la famille.
L’idée de l’audition n’est pas de placer l’enfant en plein conflit de loyauté en lui demandant chez lequel de ses parents, il préfèrerait vivre (et heureusement !) mais bien de comprendre comment ça se passe pour lui dans son environnement, ce qui permet au juge de mieux appréhender son environnement et ses besoins pour prendre sa décision.
L’audition fait l’objet d’un compte-rendu auxquels les parents auront accès.
Maintenant, est-ce LA solution ? Être entendu par un juge, quand bien même, il est attentionné et précautionneux, implique de se rendre dans un tribunal, dans son bureau ou une salle d’audience, généralement d’avoir vu un avocat… pas facile pour un enfant.
L’audition dans un cadre amiable par un auditeur d’enfants
Vous ne le savez peut-être pas, mais votre enfant peut être entendu dans un cadre amiable.
Par qui ?
Par un auditeur d’enfants. C’est un professionnel qui est qualifié pour recueillir la parole de l’enfant, qui est indépendant et neutre, et qui est le porte-parole de l’enfant.
Il y aura aussi, comme pour l’audition devant le Juge, une restitution faite aux parents qui sera validée par l’auditeur d’enfants avec l’enfant.
Quid de l’instrumentalisation ?
Ça arrive en cas de conflit aigu entre les parents.
C’est pour cela qu’il faut être vigilant que l’enfant ne soit pas instrumentalisé par l’un de ses parents pour qu’il dise ce que l’un de ses parents lui a dit de répéter.
L’audition de l’enfant est la possibilité pour un enfant de s’exprimer pour lui-même et lui seul, quand bien même ce qu’il a à dire ne fait pas plaisir à ses parents. C’est SON moment.
Conclusion
La chanson “Entre Deux” de Camille Schneyder nous rappelle que, dans le tumulte d’une séparation parentale, les enfants peuvent souvent se sentir perdus et négligés.
Elle souligne l’importance de placer les besoins de l’enfant au cœur des décisions parentales, un principe qui doit guider non seulement les parents, mais aussi les décisions judiciaires.