Le tribunal vient de rendre son jugement dans votre divorce et cette décision vous semble injuste ? Peut-être que le montant de la prestation compensatoire vous paraît déconnecté de la réalité, ou que les modalités de résidence des enfants ne correspondent pas, selon vous, à leur intérêt. En matière de divorce, il n’est pas rare d’être déçu par la décision du juge. C’est pour cette raison que le législateur a prévu la possibilité de contester le jugement devant une juridiction supérieure : la Cour d’appel.
Attention toutefois ! L’appel n’est pas une simple formalité et nécessite de respecter une procédure particulièrement stricte, réformée depuis le 1er septembre 2024. Délais, étapes, conséquences… découvrez tout ce qu’il faut savoir avant de faire appel d’un jugement de divorce.
Quand faire appel d’un jugement de divorce ?
Faire appel d’un jugement de divorce est un droit, mais l’exercer nécessite une réflexion approfondie. Au-delà de l’insatisfaction immédiate que peut provoquer une décision de justice, il est essentiel d’analyser précisément les points contestables du jugement et vos chances de succès. C’est tout l’intérêt de consulter rapidement votre avocat en droit de la famille qui saura évaluer la pertinence d’un appel au regard de votre situation.
Une fois la décision d’appel prise, la question du délai devient essentielle. En effet, vous disposez d’un mois à compter de la signification du jugement pour faire appel. Ce délai est porté à 3 mois si vous résidez à l’étranger. Une fois ce délai dépassé, le jugement devient définitif et il n’est plus possible de le contester.
❓Le saviez-vous ?
Le délai d’appel court à partir de :
- la signification du jugement par commissaire de justice dans le cas général (remise en main propre ou avis de passage en cas d’absence) ;
- la notification par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée par le tribunal lorsque le jugement ordonne l’intermédiation des pensions alimentaires.
Dans tous les cas, attention : ce n’est ni la date du jugement, ni celle où vous en avez eu connaissance par votre avocat qui compte ! Le délai commence à courir dès le premier passage du commissaire de justice ou de la Poste, que vous ayez récupéré ou non le document. Il est donc essentiel de ne pas ignorer les avis de passage.
👉 Bon à savoir :
Si le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Par exemple, si la signification a eu lieu le 15 janvier, et que le 15 février tombe un dimanche, vous avez jusqu’au lundi 16 février minuit pour faire appel.
Comment faire appel d’un jugement de divorce ?
L’appel permet un nouvel examen de votre situation par une juridiction supérieure, la Cour d’appel, qui va porter un second regard sur votre dossier. Toutefois, la date à laquelle la Cour apprécie votre situation varie selon les aspects du jugement contestés :
- pour les mesures qui concernent les enfants (résidence, droit de visite, pension alimentaire), la Cour prend en compte votre situation au jour où elle statue ce qui signifie que tout changement dans votre situation (professionnelle, familiale, financière, etc.) survenu depuis le jugement de première instance sera étudié ;
- pour la prestation compensatoire, si le principe du divorce est définitif (par exemple en cas de divorce pour acceptation du principe de la rupture ou pour altération définitive du lien conjugal), elle sera évaluée à la date où le divorce est devenu définitif ;
- pour les autres aspects, la date d’appréciation dépendra des dispositions contestées.
La procédure d’appel est ce qu’on appelle une procédure avec représentation obligatoire d’un avocat. Cette obligation n’est pas une simple formalité : la complexité technique de l’appel nécessite l’expertise d’un professionnel aguerri.
Par ailleurs, la procédure d’appel se déroule en plusieurs étapes.
Étape 1 : Le dépôt de la déclaration d’appel
Votre avocat dépose la déclaration d’appel auprès de la Cour via le RPVA (Réseau Privé Virtuel des Avocats). Un timbre fiscal de 225 euros est nécessaire pour que l’appel soit recevable (sauf si vous bénéficiez de l’aide juridictionnelle).
👇 Bon à savoir :
Depuis la réforme, votre avocat peut joindre une annexe à la déclaration d’appel pour détailler les points contestés. Cette nouveauté permet une meilleure présentation de votre dossier.
Étape 2 : La signification de la déclaration d’appel
Dans un délai de 20 jours, la déclaration d’appel doit être signifiée par commissaire de justice à votre ex-conjoint ou, s’il a déjà constitué avocat, notifiée à son Conseil. Cette étape est indispensable : en cas de non-respect, l’appel peut être déclaré caduc.
Étape 3 : La rédaction et le dépôt des conclusions
Votre avocat rédige des conclusions qui détaillent vos arguments.
Étape 4 : L’échange des conclusions
Votre ex-conjoint peut à son tour déposer des conclusions, voire former un appel incident pour contester d’autres points du jugement.C’est comme s’il faisait appel lui aussi.
❓Le saviez-vous ?
Dans le cadre de la procédure d’appel, celui qui saisit la Cour est « l’appelant », tandis que le défendeur est appelé « l’intimé ».
Étape 5 : La mise en état du dossier
C’est la phase de préparation du dossier.
🔎 Focus sur la convention de procédure participative de mise en état :
La convention de procédure participative de mise en état est une nouveauté de la réforme 2024. Il s’agit d’un accord entre les parties, signé par leurs avocats, pour organiser ensemble la mise en état du dossier. Elle présente plusieurs avantages :
- votre dossier bénéficie d’une fixation prioritaire devant la Cour pour faire trancher les points de désaccord ;
- vous déterminer vous-même le calendrier de procédure ;
- les échanges sont plus fluides et plus efficaces ;
- la procédure peut être plus rapide.
C’est une option particulièrement intéressante lorsque, malgré le désaccord sur le fond, les deux parties s’entendent et souhaitent une procédure plus apaisée et plus rapide. Votre avocat pourra vous conseiller sur l’opportunité d’y recourir dans votre situation.
Étape 6 : L’audience
L’audience devant la Cour d’appel peut prendre différentes formes. Si la pratique du dépôt de dossier (où les avocats remettent leur argumentaire écrit sans plaider) existait déjà, la réforme de 2024 va plus loin et institutionnalise une véritable procédure sans audience.
Désormais, si le conseiller de la mise en état estime que l’affaire ne nécessite pas de plaidoiries et que les avocats des parties donnent leur accord, le dossier peut être directement jugé sur la base des écritures et des pièces.
Quelles sont les conséquences de l’appel d’un jugement de divorce ?
L’effet suspensif : que devient le jugement pendant l’appel ?
« Mon ex ne me verse plus la pension depuis que j’ai fait appel, est-ce normal ? »
La réponse est non ! L’effet suspensif de l’appel ne signifie pas que tout s’arrête.
Le principe est simple : l’appel suspend l’exécution du jugement. En d’autres termes, le jugement ne peut pas être appliqué tant que la Cour d’appel n’a pas rendu sa décision. Mais attention, il existe des exceptions à ce principe.
En effet, les mesures concernant les enfants (résidence habituelle, droit de visite et d’hébergement, pension alimentaire, etc.) sont exécutoires de plein droit, c’est-à-dire qu’elles doivent être respectées malgré l’appel.
👉 Bon à savoir :
Si vous faites appel uniquement sur la prestation compensatoire, le divorce devient définitif et le devoir de secours prend fin. En revanche, si vous contestez le principe même du divorce, le devoir de secours continue jusqu’à la décision d’appel.
L’appel incident : attention aux contre-attaques !
Vous souhaitez faire appel uniquement sur le montant de la prestation compensatoire ? Sachez que votre ex-conjoint pourra alors former ce qu’on appelle un « appel incident ». Concrètement, il pourra à son tour contester d’autres aspects du jugement, comme la résidence des enfants ou la pension alimentaire. Mais attention : il devra le faire dans un délai de trois mois à compter de la notification de vos conclusions d’appel.
L’effet dévolutif : que peut-on vraiment contester ?
« Je fais appel de tout le jugement » : cette formule ne suffit pas. En effet, votre avocat doit préciser exactement les chefs du jugement que vous contestez. La Cour d’appel ne pourra réexaminer que ces points précis : c’est ce qu’on appelle l’effet dévolutif de l’appel.
👉 Bon à savoir :
L’appel peut-être total ou partiel, c’est-à-dire ne porter que sur certains éléments. Notez également que si vous avez eu gain de cause sur un point en première instance, vous ne pouvez pas faire appel de cette disposition.
❓Le saviez-vous ?
La réforme de 2024 a assoupli cette règle : votre avocat peut désormais compléter dans ses premières conclusions les points contestés qui auraient été oubliés dans la déclaration d’appel.
Quel est le rôle de l’avocat en matière d’appel d’un jugement de divorce ?
La procédure d’appel est une procédure technique qui nécessite l’intervention obligatoire d’un avocat. Ce n’est pas un hasard : son expertise est indispensable à plusieurs niveaux.
Dès le début de la procédure, votre avocat va analyser les points contestables du jugement, évaluer vos chances de succès, vous expliquer les coûts et la durée prévisible de la procédure et définir avec vous la meilleure stratégie à adopter (appel total ou partiel, etc.)
☝️Bon à savoir :
Si vos ressources sont limitées, vous pouvez peut-être obtenir l’aide juridictionnelle (AJ).
Important : la demande d’AJ interrompt le délai d’appel qui recommence à courir à compter de la notification de la décision qui statue sur l’aide juridictionnelle.
Pendant toute la procédure, votre avocat veillera au respect des délais et des formalités, tout en adaptant la tactique selon l’évolution de votre situation. Il pourra également vous conseiller sur l’opportunité d’une procédure participative ou d’une procédure sans audience, deux options qui peuvent, selon les cas, accélérer le traitement de votre dossier.
💡Les conseils de Nolwenn News :
Prenez rendez-vous avec votre avocat dès réception du jugement. Plus vous consultez tôt, plus vous avez de temps pour prendre une décision réfléchie sur l’opportunité d’un appel. Il peut être conseillé de choisir un avocat habitué aux procédures d’appel en matière familiale.
Et après l’appel ?
Une fois l’arrêt d’appel rendu, plusieurs scénarios sont possibles.
Si l’arrêt vous donne satisfaction
L’arrêt devient définitif après expiration du délai de pourvoi en cassation (2 mois). Une fois ce délai passé, il peut être exécuté.
Si l’appel ne porte que sur certains aspects du jugement (comme la prestation compensatoire), et que le principe du divorce n’est pas contesté, celui-ci devient définitif et peut être mentionné sur votre état civil sans attendre l’issue de l’appel. Dans ce cas, votre avocat peut faire les démarches nécessaires pour la mise à jour de votre état civil dès que le divorce est définitif.
En revanche, si l’appel porte sur le principe même du divorce, il faudra attendre la décision de la Cour d’appel pour que votre état civil puisse être mis à jour
Si l’arrêt ne vous satisfait pas
Vous pouvez envisager un pourvoi en cassation, mais attention : la Cour de cassation ne rejuge pas l’affaire sur le fond. Elle vérifie uniquement si les règles de droit ont été correctement appliquées. Cette procédure est encore plus technique que l’appel et nécessite l’intervention d’un avocat au Conseil et à la Cour de Cassation.
❓Le saviez-vous ?
Le pourvoi en cassation, contrairement à l’appel, ne suspend pas l’exécution de l’arrêt. Les mesures ordonnées par la Cour d’appel s’appliquent donc immédiatement.
☝️Bon à savoir :
En présence de nouveaux éléments et notamment si votre situation change significativement après l’arrêt d’appel (perte d’emploi, déménagement…), vous pourrez toujours saisir le juge aux affaires familiales pour modifier les mesures qui concernent les enfants.
Faire appel d’un jugement de divorce est une décision importante qui mérite réflexion. La réforme entrée en vigueur en septembre 2024 a certes assoupli certains aspects de la procédure mais elle reste technique et nécessite l’accompagnement d’un professionnel aguerri.
Si vous n’êtes pas satisfait de votre jugement de divorce, la première étape est de consulter votre avocat. Il pourra analyser votre situation, évaluer l’opportunité d’un appel et vous guider vers la stratégie la plus adaptée. L’enjeu n’est pas seulement juridique : il s’agit aussi d’évaluer l’impact financier de la procédure, sa durée prévisible et ses conséquences sur votre quotidien et celui de vos enfants.
Car au-delà des aspects techniques, c’est avant tout votre avenir et celui de votre famille qui se jouent dans cette décision. L’appel peut sembler complexe, mais avec les bons conseils et un accompagnement adapté, c’est une étape que vous pouvez traverser sereinement.