Guide pratique de l'habilitation familiale: une alternative souple pour la protection des majeurs

Guide pratique de l’habilitation familiale: une alternative souple pour la protection des majeurs

Lorsqu’un membre de votre famille commence à perdre son autonomie, vous vous retrouvez face à de nombreuses questions. Comment l’aider au mieux? Quelles sont les procédures légales disponibles? Comment préserver sa dignité tout en assurant sa protection?

Le droit de la famille offre plusieurs solutions pour protéger les personnes vulnérables. Parmi elles, l’habilitation familiale se distingue comme une option intéressante, mais encore assez méconnue du grand public.

Cette fiche pratique a pour objectif de vous éclairer sur ce dispositif juridique. Nous allons explorer ensemble les aspects essentiels de l’habilitation familiale, de sa définition à sa mise en place, en passant par ses avantages et ses limites.

Découvrons ensemble comment l’habilitation familiale peut offrir une solution adaptée et sur mesure pour préserver l’autonomie et la dignité de vos proches vulnérables.

Qu’est-ce que l’habilitation familiale?

L’habilitation familiale est une mesure de protection juridique introduite par l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015. Elle est régie par les articles 494-1 à 494-12 du Code civil.

Définition et cadre légal de l’habilitation familiale

Cette mesure permet à un proche (membre de la famille ou personne entretenant des liens étroits et stables avec la personne vulnérable) d’être habilité à la représenter ou à l’assister dans les actes de la vie civile. L’objectif est de protéger une personne majeure qui ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles.

Concrètement, l’habilitation familiale permet de :

1-Représenter la personne vulnérable : agir en son nom et pour son compte.

2- Assister la personne vulnérable : l’aider à prendre des décisions.

Les différents types d’habilitation

L’étendue de l’habilitation peut être :

  • Générale : elle concerne tous les actes de la vie civile.
  • Spéciale : elle est limitée à certains actes précisément définis par le juge.

Contrairement à la tutelle ou à la curatelle, l’habilitation familiale n’entraîne pas de contrôle judiciaire systématique. La personne habilitée n’a pas à rendre de comptes annuels au juge, ce qui allège considérablement les formalités administratives.

Il est important de noter que l’habilitation familiale est une mesure de protection subsidiaire c’est-à-dire qu’elle n’est mise en place que si aucun autre mécanisme juridique ne permet une protection suffisante comme les devoirs et obligations du mariage, les règles liées au régime matrimonial ou celles issues d’un mandat de protection future.

En résumé, l’habilitation familiale est une mesure de protection « sur mesure », qui permet de respecter l’autonomie de la personne vulnérable tout en assurant sa protection, avec une intervention judiciaire limitée.

Qui est concerné par l’habilitation familiale?

L’habilitation familiale concerne deux groupes de personnes : les bénéficiaires et les personnes habilitées.

Les bénéficiaires de l’habilitation familiale

Selon l’article 494-1 du Code civil, peuvent bénéficier de l’habilitation familiale :

  • Les personnes majeures
  • Les mineurs émancipés

💡 émancipation: l’émancipation est un acte juridique qui permet à un mineur, à partir de 16 ans révolus, d’être assimilé à un majeur.

Ces personnes doivent être dans l’impossibilité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée :

  • de leurs facultés mentales, ou
  • de leurs facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté.

Pour un mineur non émancipé, la demande peut être introduite dans la dernière année de sa minorité, la mesure prenant effet le jour de sa majorité.

Les personnes pouvant être habilitées

L’article 494-1 du Code civil liste les personnes pouvant être habilitées :

  • Les ascendants
  • Les descendants
  • Les frères et sœurs
  • Le conjoint
  • Le partenaire de PACS
  • Le concubin

Pour le conjoint, le partenaire de PACS ou le concubin, l’habilitation n’est possible que si la communauté de vie n’a pas cessé.

Conditions pour être habilité

La personne habilitée doit remplir certaines conditions :

  • Ne pas être juridiquement incapable
  • Ne pas être déchue de l’autorité parentale
  • Ne pas être privée de ses droits civiques, civils et de famille.

De plus, les professionnels de santé ne peuvent pas être habilités pour leurs patients, ni les fiduciaires pour les constituants de la fiducie.

Point important : la gratuité

L’article 494-1 du Code civil énonce clairement que la personne habilitée exerce sa mission gratuitement. Cette gratuité distingue l’habilitation familiale d’autres mesures de protection où un professionnel peut être rémunéré.

Comment mettre en place une habilitation familiale ?

La mise en place d’une habilitation familiale suit une procédure spécifique dont voici les étapes principales :

La requête et son contenu

La demande d’habilitation familiale, selon l’article 494-3 du Code civil, peut être présentée au juge des contentieux de la protection par un membre de la famille (ceux qui listés ci-dessus), le procureur de la République à la demande de l’un d’eux, ou le majeur lui-même.

La requête peut être rédigée par un avocat, mais il est aussi possible de saisir le juge seul (l’avocat n’est pas obligatoire) en remplissant un formulaire CERFA (le formulaire **15891*03).** Lisez bien la notice explicative pour remplir correctement le formulaire et joindre les bonnes pièces.

Cette requête doit être remise ou adressée au greffe du tribunal judiciaire du lieu de résidence de la personne à protéger.

👉🏼 Vous trouverez l’adresse du tribunal judiciaire en faisant une recherche par lieu ici.

Le certificat médical circonstancié

L’élément le plus important de la demande est le certificat médical circonstancié.

Pour obtenir ce certificat médical, vous devez contacter un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République. Ce certificat décrit l’altération des facultés de la personne, ses conséquences sur la capacité à gérer les actes de la vie civile, et si une audition pourrait nuire à sa santé.

Le médecin rédigeant le certificat ne peut pas être le médecin traitant, mais peut consulter ce dernier. Si la personne refuse de voir le médecin, le certificat peut être rédigé sur la base de documents médicaux.

La liste des médecins est disponible auprès du greffe du tribunal concerné. Certains tribunaux diffusent la liste des médecins habilités sur leur site internet.

Le coût du certificat est de 192 €. Des frais de déplacement peuvent s’ajouter. Le certificat est transmis sous pli cacheté au procureur ou au juge des contentieux et de la protection.

L’instruction de la demande, l’audience et le jugement

Une fois la requête déposée, le juge procède à l’instruction du dossier. Le juge entend la personne à protéger (sauf exceptions) et s’assure de l’adhésion ou de l’absence d’opposition légitime des proches du majeur. Le juge peut ordonner des mesures d’instruction complémentaires, comme une enquête sociale.

L’audience se déroule en chambre du conseil (c’est-à-dire sans public). Avant de rendre sa décision, le juge vérifie que le dispositif est conforme aux intérêts du majeur et que l’habilitation familiale est suffisante pour assurer sa protection (article 494-5 du Code civil). Si ce n’est pas le cas, il peut ordonner une mesure de protection judiciaire (comme une curatelle ou une tutelle).

La notification et la publicité de la décision

La décision est notifiée au majeur et à la personne habilitée. Pour une habilitation générale, un extrait de la décision est transmis au greffe du tribunal judiciaire pour inscription au répertoire civil et mention en marge de l’acte de naissance (article 494-6 du Code civil).

Quels sont les pouvoirs de la personne habilitée?

L’étendue des pouvoirs de la personne habilitée dépend du type d’habilitation accordée par le juge: générale ou spéciale.

Habilitation générale

Dans le cadre d’une habilitation générale, la personne habilitée peut accomplir l’ensemble des actes d’administration et de disposition concernant les biens du majeur protégé. Cela inclut:

  • La gestion des comptes bancaires
  • La vente ou l’achat de biens immobiliers
  • La gestion du patrimoine financier

💡 Il est important de noter que, même dans le cadre d’une habilitation générale, certains actes restent soumis à l’autorisation du juge, comme les actes de disposition à titre gratuit (par exemple une donation).

Habilitation spéciale

L’habilitation spéciale, quant à elle, est limitée à certains actes déterminés par le juge. Ces actes peuvent concerner aussi bien la gestion du patrimoine que la protection de la personne. Par exemple, le juge pourrait habiliter un proche uniquement pour:

  • Vendre un bien immobilier spécifique
  • Décider d’une opération médicale.

Limites des pouvoirs

Même dans le cadre d’une habilitation générale, certaines limites s’imposent :

  • La personne habilitée ne peut pas accomplir un acte pour lequel elle serait en opposition d’intérêts avec la personne protégée, sauf cas exceptionnel,
  • Les actes strictement personnels, comme la déclaration de naissance d’un enfant ou sa reconnaissance, restent de la compétence exclusive du majeur protégé.

Protection du logement

Le logement de la personne protégée fait l’objet d’une protection particulière. Ainsi, la vente du logement ou la résiliation du bail nécessitent l’autorisation du juge.

Durée et fin de l’habilitation familiale

L’habilitation familiale est une mesure temporaire dont la durée et les conditions de fin sont définies par le Code civil.

Durée de l’habilitation

  • Habilitation générale: jusqu’à 10 ans, renouvelable (article 494-6 du Code civil)
  • Cas particulier: jusqu’à 20 ans si l’état de la personne n’est pas susceptible d’amélioration
  • Habilitation spéciale: durée liée à l’accomplissement des actes concernés

Le renouvellement nécessite une nouvelle procédure, similaire à la demande initiale.

Fin de l’habilitation

L’habilitation prend fin dans les cas suivants :

1. Décès de la personne protégée

2. Placement sous une autre mesure de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle)

3. Jugement de mainlevée (c’est-à-dire qui lève la protection, d’où le nom)

4. Expiration du délai fixé sans renouvellement

5. Accomplissement des actes pour une habilitation spéciale

Cette flexibilité permet d’adapter la mesure à l’évolution de la situation du majeur protégé, assurant une protection appropriée et proportionnée à ses besoins.

Avantages et points de vigilance de l’habilitation familiale

L’habilitation familiale présente plusieurs avantages par rapport à d’autres mesures de protection juridique, mais elle comporte aussi des responsabilités importantes. Voici un aperçu des principaux points à retenir :

Avantages

Flexibilité: L’habilitation peut être générale ou limitée à certains actes, s’adaptant ainsi aux besoins spécifiques de la personne protégée.

Moins de formalités: Contrairement à la tutelle ou à la curatelle, la personne habilitée n’a pas à rendre des comptes annuels au juge, ce qui allège les démarches administratives.

Préservation des liens familiaux: Cette mesure permet à un proche de gérer les affaires de la personne vulnérable, maintenant ainsi une gestion familiale.

Intervention judiciaire limitée: Une fois l’habilitation accordée, le juge n’intervient qu’en cas de difficulté, ce qui favorise l’autonomie familiale.

Points de vigilance

Gratuité de la mission: L’article 494-1 du Code civil énonce que la personne habilitée exerce sa mission gratuitement. Il est important d’en être conscient avant d’accepter cette responsabilité.

Responsabilité: La personne habilitée doit agir dans l’intérêt exclusif du majeur protégé. Elle peut être tenue responsable en cas de mauvaise gestion.

Reddition des comptes: Bien qu’il n’y ait pas de contrôle annuel, la personne habilitée doit être en mesure de rendre compte de sa gestion à la fin de sa mission ou à la demande du juge.

Limites des pouvoirs: Certains actes, comme les donations, nécessitent toujours l’autorisation du juge, même dans le cadre d’une habilitation générale.

Contrôle judiciaire possible: Le juge peut intervenir à tout moment pour modifier ou mettre fin à l’habilitation s’il estime que la protection n’est pas suffisante ou adaptée.

En conclusion, l’habilitation familiale offre une solution souple et adaptée pour protéger un proche vulnérable tout en préservant l’autonomie familiale. Cependant, elle implique des responsabilités importantes qu’il ne faut pas sous-estimer. Avant de s’engager dans cette démarche, il est vivement recommandé de consulter un avocat en droit de la famille pour évaluer si cette mesure est la plus appropriée à votre situation et pour vous guider dans les démarches à entreprendre.

FAQ sur l’habilitation familiale

Qu’est-ce que l’habilitation familiale et à quoi sert-elle?

L’habilitation familiale est une mesure de protection juridique qui permet à un membre de la famille ou à une personne ayant des liens étroits et stables avec une personne vulnérable (liste limitative voir Qui peut demander une habilitation familiale) de la représenter ou de l’assister dans les actes de la vie civile. Elle a pour objectif de protéger une personne majeure qui ne peut plus gérer seule ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, tout en limitant l’intervention judiciaire.

Qui peut demander une habilitation familiale?

L’habilitation familiale peut être demandée par plusieurs personnes de l’entourage proche de la personne vulnérable. Selon l’article 494-1 du Code civil, cette demande peut être faite par :
– Les ascendants (parents, grands-parents)
– Les descendants (enfants, petits-enfants)
– Les frères et sœurs
– Le conjoint, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé,
– Le partenaire de PACS, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé,
– Le concubin, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé.

Le majeur protégé lui-même peut également introduire la demande, ainsi que le procureur de la République à la demande d’un membre de la famille.

Quels sont les avantages de l’habilitation familiale par rapport à la tutelle ou curatelle?

L’habilitation familiale présente plusieurs avantages par rapport à la tutelle ou la curatelle :

1. Procédure simplifiée : Contrairement à la tutelle ou curatelle, il n’y a pas de contrôle judiciaire systématique ni de comptes annuels à rendre au juge. Cela allège les démarches administratives pour la personne habilitée.

2. Flexibilité : L’habilitation peut être générale, couvrant tous les actes de la vie civile, ou spéciale, limitée à certains actes définis par le juge, permettant d’adapter la mesure aux besoins spécifiques du majeur.

3. Respect de l’autonomie : Elle permet de préserver l’autonomie de la personne protégée, en intervenant seulement lorsque nécessaire, avec une intervention judiciaire réduite.

Comment mettre en place une habilitation familiale?

La procédure d’habilitation familiale se déroule en plusieurs étapes :
1. Dépôt de la requête : Un membre de la famille doit présenter une demande auprès du juge des contentieux de la protection. Il est possible de faire cette démarche sans avocat, en utilisant un formulaire CERFA disponible en ligne.

2. Certificat médical circonstancié : Un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République doit rédiger un certificat médical décrivant l’altération des facultés de la personne vulnérable.

3. Audience et jugement : Le juge instruit le dossier, auditionne la personne à protéger et peut recueillir l’avis des proches. Ensuite, il rend sa décision qui est notifiée à la personne vulnérable et à la personne habilitée.

Quelle est la durée de l’habilitation familiale?

La durée de l’habilitation familiale dépend de la situation de la personne protégée :

Habilitation générale : Elle peut être accordée pour une durée maximale de 10 ans, renouvelable. Si l’état de la personne protégée n’est pas susceptible d’amélioration, l’habilitation peut être prolongée jusqu’à 20 ans.

Habilitation spéciale : La durée est fixée en fonction des actes spécifiques pour lesquels l’habilitation a été accordée et prend fin une fois ces actes accomplis.

La personne habilitée peut-elle être rémunérée?

Non, l’habilitation familiale est exercée à titre gratuit. L’article 494-1 du Code civil dispose que la personne habilitée doit remplir cette mission sans rémunération. Cela distingue l’habilitation familiale d’autres mesures de protection où un professionnel, comme un tuteur, peut être rémunéré pour ses services.

Quels sont les pouvoirs de la personne habilitée?

Les pouvoirs de la personne habilitée dépendent du type d’habilitation accordée par le juge :

Habilitation générale : Elle permet à la personne habilitée de gérer tous les actes de la vie civile du majeur protégé, incluant la gestion des comptes bancaires, la vente ou l’achat de biens immobiliers, et la gestion du patrimoine financier.

Habilitation spéciale : Ses pouvoirs sont limités à certains actes spécifiques définis par le juge, comme la vente d’un bien immobilier ou la prise de décision concernant des soins médicaux.

Dans tous les cas, la personne habilitée doit agir dans l’intérêt exclusif de la personne protégée et certains actes, comme les donations, restent soumis à l’autorisation du juge.

Quand et comment prend fin l’habilitation familiale?

L’habilitation familiale prend fin dans les situations suivantes :
Décès de la personne protégée
Placement sous une autre mesure de protection (tutelle, curatelle, etc.)
Jugement de mainlevée par le juge, lorsque la protection n’est plus nécessaire
Expiration de la durée fixée par le juge sans demande de renouvellement
Accomplissement des actes pour lesquels l’habilitation spéciale a été accordée

Le juge peut aussi intervenir à tout moment pour modifier ou mettre fin à l’habilitation si la situation évolue.

Quels sont les actes que la personne habilitée ne peut pas accomplir?

Même dans le cadre d’une habilitation générale, la personne habilitée ne peut pas accomplir certains actes strictement personnels, tels que :
– La reconnaissance d’un enfant
– La déclaration de naissance
– Les actes pour lesquels elle serait en situation de conflit d’intérêts avec la personne protégée, sauf exception.
De plus, la vente du logement principal de la personne protégée ou la résiliation de son bail nécessitent toujours une autorisation du juge.

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