c'est quoi le juge des enfants ?

C’est quoi, le juge des enfants ?

« Mon enfant est en danger », « Je m’inquiète pour mon petit-fils », « Ma fille a des problèmes avec la justice ». Quand il s’agit de protéger un enfant ou d’accompagner un jeune qui a commis une erreur, le juge des enfants est souvent évoqué comme celui qui peut apporter des solutions. Mais qui est vraiment ce magistrat spécialisé qui entre dans la vie des familles dans ces moments si délicats ?

Si vous êtes parent, grand-parent, ou simplement préoccupé par le bien-être d’un enfant de votre entourage, vous vous êtes peut-être déjà posé la question. Comment ce juge si particulier peut-il aider ? Quels sont ses véritables pouvoirs ? Et surtout, comment travaille-t-il pour protéger les plus vulnérables tout en donnant une chance à ceux qui ont fait un faux pas ?

Chaque année en France, des milliers de familles comme la vôtre sont amenées à rencontrer le juge des enfants souvent sans bien comprendre ses fonctions ni savoir comment se déroulent les audiences. Vous souhaitez y voir plus clair ? On vous explique tout ! 

Qui est le juge des enfants ?

Le juge des enfants est un magistrat du tribunal judiciaire spécialement formé pour traiter les affaires qui concernent ou impliquent des mineurs. Sa mission est double :

  • protéger les enfants en danger dans le cadre de l’assistance éducative ;
  • juger les mineurs qui ont commis des infractions.

📌 Bon à savoir :
Il ne faut pas confondre le juge des enfants avec le JAF !
Le juge des enfants et le juge aux affaires familiales (JAF) sont deux magistrats différents qui n’interviennent pas dans les mêmes situations :

Juge des enfants (JE)Juge aux affaires familiales (JAF)
Intervient quand un mineur est en danger ou a commis une infractionIntervient pour régler les conflits familiaux (divorce, séparation…)
Peut ordonner des mesures de protection et d’assistance éducativeDécide de l’exercice de l’autorité parentale, de la résidence des enfants, des pensions, etc.
Agit pour protéger l’enfant d’un dangerOrganise la vie de l’enfant entre ses parents
Peut être saisi par le procureur, les parents, le mineur lui-même ou les services sociauxEst saisi par les parents
Travaille en lien étroit avec les services éducatifsTravaille plutôt avec des médiateurs familiaux

Quelles sont les missions du juge des enfants ?

Les missions du juge des enfants sont de deux ordres, il intervient en matière d’assistance éducative et en matière de justice pénale des mineurs.

En matière d’assistance éducative

Quand intervient-il ?

Le juge des enfants intervient lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger ou lorsque les conditions de son éducation sont gravement compromises. Il peut être saisi dans différentes situations et notamment en cas de :

  • maltraitance physique ou psychologique ;
  • négligence grave ;
  • conditions de vie mettant en péril le développement de l’enfant ;
  • déscolarisation ;
  • etc.

Quelles mesures peut-il ordonner ?

Le juge des enfants dispose de plusieurs outils pour protéger l’enfant et privilégie, dans la mesure du possible, les solutions les moins contraignantes.

→ Les mesures de suivi et d’aide à la famille

  • désignation d’un service spécialisé pour accompagner la famille (accompagnement éducatif en milieu ouvert – AEMO) pour une durée de 2 ans maximum, renouvelable une fois ;
  • mise en place d’un suivi éducatif à domicile ;
  • accompagnement psychologique si nécessaire ;
  • possibilité d’hébergement ponctuel de l’enfant (par exemple une semaine par mois) ;
  • aide à la gestion du budget familial.

Ces mesures peuvent être accompagnées d’obligations particulières telles qu’un suivi scolaire, médical ou psychologique ou encore la participation à des activités éducatives.

→ Les mesures de placement

Dans les cas les plus graves, le juge peut décider de confier temporairement l’enfant pour une durée maximum de 2 ans, renouvelable à un membre de la famille, à une famille d’accueil ou à un établissement spécialisé.

📌 Bon à savoir :
Le placement ne retire pas l’autorité parentale aux parents. Lorsque cela est possible, ils conservent un droit de visite et doivent être consultés pour les décisions importantes qui concernent leur enfant.

→ Les mesures complémentaires

Le juge des enfants peut aussi ordonner une interdiction de sortie du territoire (IST) pour 2 ans maximum ainsi qu’une médiation familiale pour apaiser les tensions et restaurer le dialogue (sauf en cas de violences).

Toutes ces mesures sont régulièrement réévaluées et peuvent être modifiées si la situation évolue. L’objectif du juge des enfants est toujours d’adapter les solutions aux besoins de l’enfant et de sa famille et de privilégier le maintien dans le milieu familial, avec un accompagnement dédié.

En matière de délinquance juvénile

Quelles sont ses particularités ?

Le juge des enfants examine les cas de délits commis par des mineurs. Pour cela, il privilégie les mesures éducatives plutôt que répressives, cherche la réhabilitation et la réinsertion du mineur et adapte les sanctions à l’âge et à la personnalité du jeune.

Quelle est sa compétence ?

Le juge des enfants intervient différemment selon la gravité des faits.

Il juge seul les infractions les moins graves, il préside le tribunal pour enfants pour les délits plus sérieux et renvoie les crimes les plus graves devant la cour d’assises des mineurs.

Quelles décisions peut-il prendre ?

Les décisions du juge des enfants visent à faire comprendre la gravité des actes, à éviter la récidive, à favoriser l’insertion sociale et professionnelle et à protéger la société tout en donnant une chance au mineur. Elles sont de plusieurs ordres.

Réponse judiciaireConditions et caractéristiquesExemples de mesures possibles
Mesures éducatives• Pour tous les mineurs
• Accompagnement personnalisé
• Suivi éducatif individualisé
• Accueil de jour
• Activités de réparation
• Suivi médical adapté
• Placement éducatif
• Accompagnement vers l’insertion
Sanctions éducatives• À partir de 10 ans
• Visent la responsabilisation
• Sans suivi éducatif prolongé
• Stages de citoyenneté
• Interdictions spécifiques
• Confiscation d’objets
• Mesures de réparation
Peines• À partir de 13 ans
• En dernier recours
• Durée réduite de moitié par rapport aux majeurs
• TIG (dès 16 ans)
• Surveillance électronique
• Stages spécifiques
• Emprisonnement (en dernier recours)

❓Le saviez-vous ?
Si le juge considère que le dommage a été réparé et que le mineur a respecté son suivi éducatif, il peut faire une « déclaration de réussite éducative », c’est-à-dire ne pas prononcer de sanction.

Comment travaille-t-il ?

Le juge des enfants ne travaille jamais seul. Il s’appuie sur les services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), des éducateurs spécialisés, des psychologues et des travailleurs sociaux.

Comment se déroule une audience devant le juge des enfants ?

Le juge des enfants peut recevoir les familles et les mineurs dans deux cadres distincts, en cabinet pour les mesures d’assistance éducative et les infractions légères et en audience du tribunal pour enfants pour les délits plus graves.

L’audience d’assistance éducative en cabinet

Contrairement aux audiences classiques qui se tiennent dans une salle d’audience, le juge des enfants reçoit souvent dans son bureau. Ce cadre moins intimidant, qu’on appelle le « cabinet », est privilégié pour les situations d’assistance éducative. L’objectif ? Créer une atmosphère plus détendue qui favorise les échanges.

L’audience commence par un temps d’explication : le juge présente son rôle et le but de la rencontre. C’est un moment important qui permet à chacun de comprendre ce qui va se passer. Ensuite, il prend le temps de recevoir l’enfant seul, s’il est en âge de s’exprimer. Ce tête-à-tête permet au jeune de parler plus librement, sans la présence de ses parents.

Vient ensuite le moment d’échanger avec toute la famille. Les parents peuvent expliquer leur situation et leurs difficultés éventuelles. Les éducateurs, les services sociaux ou les autres professionnels présents apportent aussi leur éclairage. Le juge pose des questions, demande des précisions, cherche à comprendre la situation dans sa globalité pour prendre une décision qu’il explique ensuite à la famille.

📌 L’avocat et l’audience d’assistance éducative : ce qu’il faut savoir
Contrairement aux affaires pénales, l’avocat n’est pas obligatoire en matière d’assistance éducative. Il joue pourtant un rôle précieux dans l’accompagnement des familles. Il explique la procédure et les décisions prises, il accompagne lors des audiences, il conseille sur les recours possibles, etc.

Tous les acteurs de la procédure peuvent être assistés par un avocat : l’enfant capable de discernement bien sûr, mais aussi ses parents ou toute personne qui s’occupe de lui au quotidien. Parfois, quand il estime que son intérêt l’exige, le juge peut demander la désignation d’un avocat pour l’enfant à l’antenne des mineurs de l’ordre des avocats. Les parents, eux, ont le libre choix de leur conseil.

La question financière ne doit pas être un frein : l’aide juridictionnelle permet aux personnes aux revenus modestes d’être assistées par un avocat. Les mineurs, quant à eux, en bénéficient automatiquement, sans condition de ressources.

Les audiences pénales

En matière pénale, la justice des mineurs suit une procédure particulière en deux temps qui permet d’évaluer l’évolution du jeune avant de décider d’une sanction définitive.

L’audience pénale en cabinet

Pour les infractions les moins graves, l’audience se tient en cabinet. L’ambiance y reste solennelle, même si le cadre est plus restreint. Le mineur est accompagné de ses parents et obligatoirement assisté par un avocat. Un greffier consigne les débats.

L’audience devant le tribunal pour enfants

Pour les délits plus sérieux, c’est le tribunal pour enfants qui se réunit dans une véritable salle d’audience. Le juge des enfants n’y siège pas seul : il est accompagné de deux assesseurs, des citoyens spécialement formés aux questions de l’enfance. On parle alors d’audience collégiale. Un procureur et un greffier complètent la formation. Cette composition particulière permet d’apporter un regard à la fois professionnel et citoyen sur la situation du mineur.

⚠️ Le mineur est obligatoirement assisté par un avocat.

Le déroulement de l’audience

Qu’il s’agisse d’une audience en cabinet ou devant le tribunal pour enfants, le jugement se déroule en deux étapes.

La première audience est consacrée à la culpabilité.

Chaque mineur est jugé séparément, même en cas de pluralité d’auteurs. Le juge présente les faits puis donne la parole au jeune pour qu’il s’explique. Les parents peuvent également s’exprimer. Le procureur prend ses réquisitions, puis l’avocat assure la défense du mineur avant que le tribunal ne délibère.

La seconde audience est consacrée à la sanction.

Si le mineur est déclaré coupable, une deuxième audience a lieu 6 à 9 mois plus tard pour décider de la sanction. Cette période intermédiaire, que l’on appelle la « mise à l’épreuve éducative », permet d’évaluer l’évolution du jeune et de prononcer une décision adéquate.

❓Le saviez-vous ?
Lorsque les faits sont graves et les mineurs déjà connus de la justice, le tribunal pour enfants peut, par exception, statuer sur la culpabilité et la sanction au cours d’une seule et même audience.

Que ce soit en cabinet ou au tribunal pour enfants, les audiences ne sont jamais publiques. Seules les personnes directement concernées peuvent être présentes : le mineur et ses parents, les avocats, les éducateurs, et parfois la victime et son avocat. Cette règle du huis clos protège la vie privée du mineur.

Comment saisir le juge des enfants ?

En matière d’assistance éducative

La protection de l’enfance repose sur la vigilance de tous. C’est pourquoi le législateur a prévu plusieurs façons d’alerter le juge des enfants quand un mineur est en danger.

Le procureur de la République est souvent le premier interlocuteur. Il reçoit les signalements des services sociaux, des écoles ou de tout professionnel au contact d’enfants. Après analyse de la situation, il peut décider de saisir le juge des enfants s’il estime qu’une intervention judiciaire est nécessaire.

Les parents eux-mêmes peuvent s’adresser directement au juge des enfants. Qu’ils agissent ensemble ou séparément, ils peuvent demander de l’aide quand ils se sentent dépassés par une situation ou inquiets pour leur enfant. Le tuteur, s’il y en a un, dispose de la même possibilité.

Plus surprenant peut-être : le mineur lui-même peut solliciter l’intervention du juge. Cette possibilité, importante, permet aux jeunes en souffrance de trouver une oreille attentive et une protection, si cela s’avère nécessaire.

Dans les situations les plus préoccupantes, le juge des enfants peut même se saisir d’office, c’est-à-dire décider lui-même d’intervenir quand il a connaissance d’une situation de danger. Cette option reste toutefois exceptionnelle.

En pratique, le chemin le plus fréquent commence par un signalement. Quand une situation inquiétante est repérée, les services sociaux du département procèdent d’abord à une évaluation approfondie. Si le danger est confirmé et qu’une intervention judiciaire semble nécessaire, ils transmettent leurs conclusions au procureur. Celui-ci décide alors de saisir ou non le juge des enfants, qui pourra mettre en place des mesures de protection adaptées.

En matière pénale

La situation est différente quand un mineur a commis une infraction. Dans ce cas, seul le procureur de la République peut engager des poursuites. Quand une infraction est signalée (par une plainte, un rapport de police, etc.), c’est le procureur qui décide des suites à donner.

S’il estime que des poursuites sont nécessaires, il peut :

  • soit saisir directement le juge des enfants pour les affaires simples ;
  • soit requérir l’ouverture d’une information judiciaire qui sera confiée soit au juge des enfants lui-même, soit à un juge d’instruction spécialement chargé des affaires de mineurs pour les affaires complexes ou graves.

Le mot de la fin

Qu’il s’agisse de protéger un enfant en danger ou de répondre à une infraction, le juge des enfants est un magistrat qui place toujours l’intérêt du mineur au cœur de son action. Mais la complexité des procédures et l’importance des enjeux rendent souvent précieuse, voire indispensable, la présence d’un avocat.

En matière pénale, cette présence est obligatoire, et pour cause : l’avocat est le garant des droits du mineur et permet une défense efficace de ses intérêts. En assistance éducative, même s’il n’est pas imposé par la loi, l’accompagnement de l’avocat peut faire toute la différence. Il explique, rassure, conseille et aide chacun – enfant comme parents – à faire entendre sa voix.

FAQ

  • Le juge des enfants peut-il être saisi en urgence ?

Oui, en cas de danger immédiat, le juge peut être saisi en urgence par le procureur de la République et prendre des mesures provisoires de protection.

  • Les décisions du juge des enfants sont-elles définitives ?

Non, elles peuvent faire l’objet d’un appel et elles font l’objet d’un suivi régulier et peuvent également être modifiées en fonction de l’évolution de la situation.

  • L’enfant doit-il obligatoirement être entendu ?

Oui, le juge doit systématiquement avoir un entretien individuel avec l’enfant capable de discernement.

  • Les parents peuvent-ils s’opposer aux mesures ?

Le juge des enfants cherche toujours à obtenir l’adhésion de la famille, mais il peut imposer des mesures si l’intérêt de l’enfant l’exige.

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